Malgré la baisse de l’inflation selon les chiffres officiels de l’INS et qui s’est stabilisée au niveau de 5% au mois de Septembre, les tunisiens sentent que le coût de la vie est cher et que leur pouvoir d’achat est en train de s’éroder d’un mois à l’autre. Une perception qui se confirme au niveau des prix de certains produits qui doublent d’une période à autre. Face à cette réalité vécue quotidiennement, les consommateurs modifient leurs comportements de consommation et changent leurs priorités dans leurs achats.
Survivre plutôt que vivre :
Le panier du consommateur tunisien qui est composé à 36% de produits alimentaires constate chaque jour des hausses de prix dans les produits les plus élémentaires. Outre la hausse des prix, le consommateur fait aussi face à des pénuries à répétition de certains produits de base telle que le sucre, le café, ou l’huile végétale subventionnée.
Le consommateur effectue constamment les comparaisons entre des prix antérieurs et les prix actuels et constate des hausses atteignant plus de 300% tel que le cas de la viande ovine.
Les tunisiens sont poussés à un mode de survie économique plutôt qu’un mode de vie. Ils sont constamment face à des arbitrages : ils privilégient les produits alimentaires essentiels face à certains produits qui sont devenues de luxe (parfum, maquillage, produit d’entretien corporel,….). Ils décalent ou annulent certaines dépenses telles que les voyages internes et les loisirs, face à des dépenses plus pressantes telles que les dépenses d’études, de santé ou des cours particuliers.
Le premier critère de choix des consommateurs est devenu principalement le prix aux dépens de la qualité ou de l’apport nutritionnel. C’est ainsi que le marché parallèle et de contrebande s’est nettement développé au cours des dernières années. Les tunisiens habitants les zones frontalières de l’Algérie consomment les produits de contrebande d’Algérie parce qu’ils sont moins chers que ceux d’origine tunisiennes (les jus, les yaourts, le riz, le café,….). Les achats sont effectués par obligation plutôt que par envie ou d’une manière rationnelle.
Une nouvelle intelligence s’est développée :
Le consommateur tunisien est devenu un grand calculateur. Il effectue les comparaisons de prix, il s’approvisionne auprès des espaces les moins chers, il suit constamment les promotions et les ventes flash, ….
Sur un autre plan, le consommateur tunisien achète de plus en plus en petites quantités, fait attention au gaspillage alimentaire, et reporte plusieurs achats selon leur importance et son budget.
Autant de reflexes qui sont devenus une habitude chez le consommateur tunisien. Il a su ainsi développé une certaine intelligence économique qui l’aide à arrondir ces fins de mois.
Dis-moi ce que tu manges, je te dirais qui tu es. Pour comprendre l’impact de l’inflation sur le comportement des consommateurs, il faut analyser ce qu’il prépare en cuisine, ou ce qu’il mange à l’extérieur. Les plats des tunisiens sont devenus principalement basés sur les pâtes, les œufs, les volailles et la pomme de terre. Des plats économiques sans viande ni poisson.
A l’extérieur, le tunisien opte pour les plats les menus les moins chers tel les Mlawis, les Chapatis, les fricassés, les Malfoufs, les Makloubs,…aux dépens des plats complet dans les selfs. Certains fonctionnaires qui bénéficient des tickets restaurant préfèrent les garder pour effectuer des produits alimentaires de la grande distribution.
Ce changement dans le comportement a des effets sur la santé des tunisiens que ce soit au niveau de certaines carences alimentaires ou le développement de l’obésité surtout infantile.
Pour d’autres types de produits (meubles, décoration, vêtement,….) le consommateur opte à l’achat en ligne via les pages facebook qui proposent généralement des produits bas de gamme mais avec des prix abordables.
Avec la montée de l’inflation, les tunisiens ont de plus en plus peur de l’avenir. Ils sont fragilisés et renoncent à plusieurs projets de leur vie : construire un étage, faire un projet, études à l’étranger…Il est parfois encouragé à s’endetter. L’encours des crédits octroyés par les banques aux ménages a atteint en 2025, 29.7 milliards de dinars. Selon l’INC, 2 ménages sur 3 ont au moins un membre de la famille est en train de rembourser un crédit.
Dans ce contexte nous appelons l’INS à raviver un ancien projet qui est la publication de l’Indice de Confiance des ménages, qui est important pour la prise de toutes les décisions économiques au niveau de l’Etat et de l’entreprise.
Il est important de signaler à la fin, que l’IPC publié par l’INS n’est pas un simple chiffre qui traduit la hausse des prix dans une période donnée, c’est aussi un outil de modification du comportement des consommateurs tunisiens. L’analyse de ce phénomène n’est pas du ressort des économistes seulement, mais aussi des sociologues. Ces derniers contribuent faiblement depuis des années dans la compréhension de la société tunisienne.