Tunis – Après plusieurs mois de tension, l’inflation en Tunisie a enregistré une baisse significative en août 2025, pour s’établir à 5,2 %, contre 7,1 % au début de l’année. Une évolution qui suscite l’espoir d’une stabilisation, mais qui appelle aussi à la prudence, tant les fragilités structurelles de l’économie demeurent.
Les raisons d’un recul
Selon les dernières statistiques de l’Institut national de la statistique (INS), la décélération de l’inflation est attribuable à plusieurs facteurs. D’abord, la détente des prix internationaux du blé et du pétrole, qui a allégé la facture énergétique et alimentaire. Ensuite, une campagne agricole relativement correcte, ayant permis de limiter la dépendance aux importations de certains produits de base. Enfin, la politique monétaire de la Banque centrale de Tunisie (BCT), marquée par des hausses de taux successives et un resserrement du crédit, a fini par produire un effet modérateur sur la consommation et l’investissement.
Les limites de la tendance
Mais derrière ces chiffres encourageants se cachent des fragilités persistantes.
• La Tunisie demeure fortement dépendante des importations pour son approvisionnement en céréales, carburants et biens de consommation.
• Les subventions continuent de masquer le vrai coût de nombreux produits stratégiques, créant un décalage entre inflation “officielle” et ressenti des ménages.
• Le pouvoir d’achat reste mis à mal par la stagnation des salaires, alors que de nombreuses familles consacrent plus de 40 % de leurs revenus à l’alimentation.
Du côté des entreprises, le coût du crédit demeure élevé, freinant l’investissement, particulièrement pour les PME déjà fragilisées par un accès difficile au financement bancaire.
Impact pour les ménages et les entreprises
Pour les citoyens, cette accalmie représente un soulagement partiel : le panier alimentaire connaît une hausse plus modérée, ce qui se traduit par une respiration pour les budgets familiaux. Mais les loyers, les frais scolaires et les services continuent de peser lourd.
Pour les entreprises, notamment dans l’industrie et le commerce, la baisse de l’inflation se traduit par une meilleure visibilité et un ralentissement de la hausse des intrants. Toutefois, beaucoup estiment que sans réforme fiscale et sans amélioration du climat des affaires, l’impact restera limité.
Vers un tournant structurel ?
La grande question demeure : cette baisse marque-t-elle un tournant durable, ou n’est-elle qu’une parenthèse conjoncturelle ? Les économistes sont partagés. Certains y voient le signe que la BCT a réussi son pari de stabilisation monétaire. D’autres rappellent que la Tunisie reste exposée aux chocs extérieurs : une hausse des cours du pétrole ou une mauvaise récolte pourraient rapidement inverser la tendance.
Une opportunité politique et économique
Pour le gouvernement, cette embellie statistique pourrait servir d’argument politique, notamment face aux critiques sur la cherté de la vie. Mais elle doit surtout être l’occasion d’accélérer les réformes : rationalisation des subventions, relance de la production locale, amélioration de la logistique et lutte contre l’économie informelle.
En somme, la baisse de l’inflation est une fenêtre d’opportunité : encore faut-il savoir l’utiliser pour bâtir une stabilité durable.
Abou farah