L’annonce de l’acquisition de Taoufik Hospitals Group (THG) par le groupe marocain AKDITAL, pour un montant de 90 millions de dollars, intervient dans un timing particulièrement révélateur. Derrière cette opération de consolidation régionale dans le secteur hospitalier privé se dessine, en filigrane, une recomposition plus large des stratégies capitalistiques et managériales des grands groupes familiaux en Afrique du Nord — et, plus particulièrement, celle d’Amin Chabchoub, figure centrale de l’écosystème Tawasol Group Holding (TGH).
AKDITAL–THG : une opération industrielle… mais aussi un signal
Sur le papier, l’opération AKDITAL–THG est limpide. Elle obéit à une logique industrielle classique :
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intégration d’un acteur hospitalier performant (600 lits, 35 % de marge d’EBITDA),
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accès à un hub médical régional tourné vers la patientèle africaine,
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mutualisation des standards, des expertises et des talents médicaux.
Mais dans le contexte tunisien, cette transaction prend une dimension plus large. Elle illustre une tendance de fond : la monétisation d’actifs matures, à forte valeur ajoutée, au profit de groupes régionaux disposant de capacités financières et organisationnelles supérieures.
Amin Chabchoub : arbitrer, sécuriser, repositionner
Pour Amin Chabchoub, cette séquence ne peut être analysée comme un simple événement sectoriel isolé. Elle s’inscrit dans une phase de reconfiguration stratégique, dictée par trois impératifs majeurs.
Sécurisation du patrimoine et arbitrage des actifs
La cession d’un actif hospitalier performant à un acteur régional solide permet :
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de cristalliser de la valeur,
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de réduire l’exposition à un environnement réglementaire et financier tunisien devenu plus contraignant,
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et de renforcer la liquidité globale du portefeuille.
Dans un contexte de marché tendu, cette approche relève d’une gestion patrimoniale prudente, voire défensive, mais rationnelle.
Recentrage face aux turbulences boursières de TGH
La suspension de la cotation de Tawasol Group Holding par le CMF agit comme un révélateur brutal. Elle rappelle que :
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la concentration extrême du capital (plus de 75 % détenus par la famille Chabchoub),
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combinée à des réserves d’audit récurrentes,
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fragilise la relation avec le marché et expose la gouvernance à un risque réputationnel élevé.
Dans ce contexte, la stratégie d’Amin Chabchoub semble s’orienter vers un découplage progressif entre actifs opérationnels performants et holding cotée sous tension.
Préserver le contrôle, réduire l’exposition
L’ultra-domination capitalistique au sein de TGH offre un contrôle total… mais impose aussi une responsabilité accrue.
La cession ou l’ouverture de certains actifs hors périmètre boursier permet :
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de préserver le pouvoir décisionnel,
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tout en limitant l’impact des exigences de transparence propres aux sociétés cotées.
C’est un arbitrage classique des grands groupes familiaux en phase de maturité.
Une stratégie ni de fuite, ni de rupture
Contrairement à certaines lectures hâtives, la démarche d’Amin Chabchoub ne traduit ni un désengagement brutal de la Tunisie, ni une fuite en avant. Elle s’apparente davantage à une stratégie de repositionnement silencieux :
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vendre quand la valeur est élevée,
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se recentrer quand la pression réglementaire augmente,
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préparer, en coulisses, une nouvelle architecture de groupe plus lisible et plus robuste.
Un moment de vérité pour TGH
La suspension de la cotation place néanmoins TGH devant un test de crédibilité majeur.
La production d’états financiers pro forma, la levée des réserves d’audit et la qualité de la communication à venir conditionneront :
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la reprise de la cotation,
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la restauration de la confiance des investisseurs,
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et la trajectoire future du groupe.





















