Un dispositif institutionnel encore jeune
Le Registre National des Entreprises (RNE), créé pour moderniser et unifier l’enregistrement juridique et administratif des sociétés et des commerçants en Tunisie, est encore une institution « nouveau-née ». Héritier du Registre du Commerce, il introduit de nouvelles règles de transparence, de traçabilité et de mise à jour des informations. Ces réformes visent à renforcer la sécurité juridique, améliorer l’environnement des affaires et répondre aux exigences de conformité internationale, notamment en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
Cependant, la transition n’a pas été sans heurts. Beaucoup d’opérateurs économiques – qu’ils soient des personnes physiques (commerçants, artisans, professions libérales) ou morales (sociétés, associations, coopératives) – ont découvert, parfois à leurs dépens, les nouvelles obligations introduites par le RNE.
Une information mal diffusée
L’une des principales critiques adressées à cette réforme est la faiblesse de la communication institutionnelle. Si les textes de loi ont été publiés au Journal officiel et relayés par certaines administrations, la diffusion auprès du grand public et des professionnels concernés est restée limitée. Résultat : de nombreux acteurs économiques, surtout les petites structures, n’ont pas été correctement informés des délais, procédures et obligations.
Ainsi, certains se retrouvent aujourd’hui confrontés à des pénalités jugées lourdes pour défaut de déclaration, retard de dépôt des états financiers, ou absence de mise à jour des informations statutaires. Pour des PME fragilisées par la conjoncture, ces sanctions peuvent représenter un véritable fardeau.
Le débat sur une amnistie des pénalités
Dès lors, une question se pose : faut-il envisager une amnistie partielle ou totale des pénalités liées au RNE ?
Les partisans de cette idée avancent plusieurs arguments :
- Jeunesse du dispositif : les règles étant récentes, il est légitime d’accorder une période de tolérance, le temps que les usagers s’approprient les procédures.
- Déficit d’information : les pouvoirs publics portent une part de responsabilité dans la faible diffusion des nouvelles dispositions.
- Soutien au tissu économique : alléger les pénalités permettrait d’éviter d’asphyxier des entreprises déjà fragilisées par la crise économique et financière.
En revanche, les opposants mettent en garde contre une telle mesure, qui pourrait être perçue comme une remise en cause de la crédibilité de l’institution naissante et encourager la négligence à l’avenir. Ils rappellent également que la discipline administrative et la transparence sont des conditions essentielles pour attirer les investisseurs et améliorer le climat des affaires.
Vers un compromis ?
Une solution intermédiaire pourrait consister à mettre en place une amnistie conditionnelle :
- Suppression ou réduction des pénalités pour la première période d’application,
- Accompagnement renforcé des entreprises par des campagnes d’information et d’assistance,
- Mise en place de délais supplémentaires pour régulariser les situations sans pénalités excessives.
Une telle approche permettrait de concilier deux impératifs : la crédibilité et la rigueur de l’institution, et la prise en compte des difficultés pratiques rencontrées par les opérateurs économiques.
L’instauration du Registre National des Entreprises est une avancée majeure pour la modernisation du système économique et juridique tunisien. Mais son efficacité dépendra aussi de la capacité des autorités à instaurer un climat de confiance et d’adhésion. Dans ce contexte, une mesure exceptionnelle d’amnistie ou de réduction des pénalités, limitée dans le temps, pourrait constituer un signal fort en faveur d’une relation plus équilibrée entre l’administration et les citoyens.
Abou Farah





















