Le secteur bancaire tunisien est en train de vivre une transformation de fond depuis des années, poussée par le développement des outils numériques et de l’intelligence artificielle. Mais, fidèle à son habitude, le changement dans le secteur bancaire tunisien est dur à entreprendre, bloqué par un conservatisme qui coule dans les gênes de plusieurs cadres bancaires. Les banquiers tunisiens cherchent toujours à camper dans leurs zones de confort, puisque les affaires marchent bien, et la concurrence est très limitée, et chacun trouve son compte.
N’empêche qu’un processus de digitalisation de plus en plus poussée est en marche depuis des années, basé principalement sur l’offre de services en ligne et le mobile banking.
Plusieurs banques tunisiennes offrent des services bancaires en ligne comme la consultation de solde, l’exécution de virement, le paiement en ligne, la gestion de portefeuille, le dépôt de demandes, l’ouverture de compte….A l’exception des opérations de change, ou de dépôt en liquide, qui nécessitent une présence physique, tous les services bancaires sont fournis actuellement en ligne par presque toute les banques tunisiennes. Et pourtant, les banques sont toujours bondées par les clients, et des queues constantes dans toutes les agences.
Même avec ce mouvement de digitalisation des services bancaires, le nombre d’agences bancaires n’a pas cessé d’augmenter passant de 1992 agences en 2021 à 2041 agences en 2023, soit une agence pour 5800 habitants. 67% de ces agences se trouvent sur le grand Tunis, soit une mauvaise répartition géographique. Le nombre de cartes bancaires est de 6.6 millions, augmentant annuellement avec une moyenne de 9.4%. Selon une récente enquête, seuls 8.2% des tunisiens utilisent le mobile banking pour effectuer des opérations de paiement.
Malgré une démocratisation de l’utilisation des smartphones et de l’internet, les tunisiens n’utilisent pas les services bancaires en ligne massivement. Une réticence due principalement à un blocage culturel. La culture du papier et du physique campe dans la relation entre les banques et leurs clients. Le tunisien juge que les opérations bancaires sont assez sérieuses pour ne pas les effectuer virtuellement. La peur d’une fausse manipulation ou d’une mauvaise connexion est toujours persistante. « On ne joue pas avec l’argent ». Pourtant les banques tunisiennes investissent énormément dans des applications sécurisées et obtiennent les certifications nécessaires dans ce sens.
Partant de ce constat, l’objectif de créer une banque totalement en ligne en Tunisie, n’est pas réalisable dans les années à venir. Même le cadre législatif actuel du secteur bancaire ne le permet pas. Pourtant le développement de ce créneau contribuera certainement à varier l’offre bancaire, et améliorer la bancarisation des tunisiens. Sur un autre plan la création d’une banque totalement virtuelle en Tunisie accentuera la concurrence entre les banques pour réduire les frais des services bancaires. En effet, une banque virtuelle ne possède pas d’agences, ni de marbre et de guichets dans les entrées, ni un personnel important pour gérer les affaires.
Le mouvement des banques virtuelles est déjà lancé dans le monde depuis les années 1990, avec la première banque en ligne américaine « security first network bank »
En France, les banques virtuelles ont commencé aussi dans les années 1990, avec Boursobank de Société Générale, ou Hello Bank de BNP Paribas, ou Bfor Bank du Crédit Agricole…Ces banques réalisent actuellement des performances importantes. La banque Boursobank, vient d’annoncer l’atteinte de 7 millions de clients en 2024.
Récemment, la Banque Centrale égyptienne vient d’octroyer l’autorisation pour la création de la première banque totalement en ligne en Egypte. La Banque va s’appeler « One Bank » et elle est portée par Misr Digital Innovation filiale de Bank Misr. Le lancement effectif sera en 2026. Un pas énorme dans l’amélioration de la bancarisation en Egypte et dans la digitalisation des services bancaires.
Le même projet est possible en Tunisie, si la loi bancaire est modifiée pour autoriser ce genre d’opérations. La Tunisie ne manque pas d’outils technologiques, ni d’ingénieurs capables de développer une telle banque. Les lignes doivent bouger dans le secteur bancaire, pour des changements plus rapides, et plus efficaces et qui profitent aux consommateurs. Le premier qui aura le courage de se lancer dans un tel projet, gagnera certainement beaucoup. Comme d’habitude, ce sera certainement une banque commerciale qui le fera, à l’instar des SICAR et des sociétés de leasing ou même d’assurance.