Jusqu’à aujourd’hui 10 Décembre 2025, le projet de loi des finances est en cours de discussion entre les deux chambres. Un projet de loi qui a fait couler beaucoup d’encre et a nécessité un effort colossal des représentants du peuple et de l’administration. Plusieurs articles ont été ajoutés, d’autres amandés, et d’autres retirés. Le résultat, nous l’espérons, un budget et une loi des finances consensuelles et qui répondent aux attentes des citoyens.
Or, ce projet de loi est marqué par l’absence d’une part importante de l’économie tunisienne, celle de l’économie informelle. Aucune mesure, ni aucune initiative pour réduire l’économie informelle, inciter les acteurs de cette économie à se formaliser, ou imposer des sanctions graves pour ceux qui opèrent dans ce domaine. « Un flagrant déni », délibéré ou non, mais qui dénote d’une déconnexion totale de la réalité tunisienne.
La nécessité d’une stratégie de réduction de l’informel :
Le secteur informel en Tunisie est malheureusement un cancer qui prolifère d’un jour à l’autre. C’est devenu un phénomène structurel qui pèse pour près de 40% de l’économie nationale. C’est une partie de l’économie qui échappe aux lois fiscales, aux lois du travail et de la sécurité sociale. Or si le gouvernement cherche à trouver de nouvelles recettes fiscales pour financer son budget, il doit les chercher dans le secteur informel. Les lois de finances sont un cadre idéal pour imposer de nouvelles mesures qui combattent l’informalité. Or le projet tel qu’il est présenté aujourd’hui semble nier cette réalité et rater cette opportunité.
Le secteur formel se trouve constamment taxé à travers de nouvelles hausses d’impôt ou de nouvelles contributions, les fonctionnaires et les employés on leur retire à la source. On se trouve ainsi avec une pression fiscale étouffante qui dépasse les 26%, et un pouvoir d’achat en net recul face à une inflation qui ne faiblit pas.
Selon un récent rapport du ministère des finances sur l’exécution du budget de l’Etat durant les 9 premiers mois de 2025, on enregistre un excédent budgétaire de 655 MD qui est du à une hausse des recettes fiscales de 7.6% et des recettes non-fiscales de 13.6%. Les dépenses de fonctionnement ont quant à eux baissé de 13.4% alors que les dépenses d’investissement ont baissé de 12.2%.
On ne trouve pas dans les travaux du ministère des finances ou des commissions du parlement aucune initiative ou les prémices d’une stratégie pour la réduction de l’informalité.
« Le bâton et la carotte » :
Si l’actuel projet de loi des finances a nié l’économie informelle, le gouvernement doit impérativement travailler sur la question car il y a une grande urgence. Une stratégie de réduction de l’informalité, pragmatique et progressive ; est nécessaire. L’urgence d’écoule de l’apparition d’un nouveau phénomène qu’on enregistre depuis quelques années en Tunisie, celui de la migration de ceux qui opèrent dans le secteur formel vers l’informalité car elle est plus rentable même si elle est plus risquée.
La théorie du « bâton et la carotte » est la plus adaptée au contexte tunisien. On doit combiner les mesures incitatives et les mesures répressives.
Le gouvernement doit travailler sur une loi de simplification administrative. Une loi qui facilite la création d’entreprise avec des procédures digitalisées et à distance. Le cadre de l’auto-entrepreneur est idéal pour ce genre de stratégies. Le nouveau projet de loi d’incitation à l’investissement tarde à venir à l’assemblée des représentants du peuple depuis des années.
Il est important aussi de mettre en place un régime fiscal attractif avec des exonérations et des paiements fractionnés pour ceux qui optent pour le formel et sortent de l’informalité. Un régime spécial peut être créé à ce niveau surtout pour les vendeurs ambulants ou les petits artisans. Ce régime fiscal simplifié doit être couplé avec un régime de couverture sociale attractif afin d’encourager la migration. Les opérateurs du secteur informel doivent sentir un bénéfice dans le formel ou un écart réduit avec l’informel. Un effort conséquent de communication et de sensibilisation est nécessaire à ce niveau.
L’attractivité du formel doit s’accompagner avec des mécanismes de facilitation d’accès à l’investissement. Ce que fait la Banque Tunisienne de Solidarité ou les sociétés de microfinance s’intègrent bien dans cette lignée.
Le gouvernement peut même créer une ligne de crédit dédiée pour ceux qui migrent de l’informalité au formel.
Ce qui a précédé était bel et bien « la carotte ». Le bâton doit être initié au niveau des organes de contrôle surtout du ministère des finances. La politique de la « tolérance zéro » contre le secteur informel doit être affichée au plus haut niveau. Les considérations sociales, régionale ou de paix ne doivent pas empêcher le travail des contrôleurs des différents départements ministériels.
Un ciblage du contrôle vers les secteurs qui enregistrent le plus grand taux d’informalité est nécessaire. On cite à ce niveau le secteur du commerce de distribution surtout des produits agricoles ou le commerce des marchandises importées.
Les paradis de l’informalité que ce soit au marché Moncef Bey à Tunis, ou le marché d’ElJem ou le marché « Ter Fer » à M’saken doivent être ciblés avec des amendes progressives.
On peut affirmer que la loi des finances qui vient d’être examinée est tenue en flagrant délit d’un flagrant déni de presque la moitié de l’économie tunisienne. La stratégie de réduction du secteur informel en Tunisie doit jongler entre l’incitation et l’attractivité à travers des mesures fiscales, et la répression à travers le contrôle. On considère que cette loi des finances est une occasion ratée pour amorcer le processus. Au contraire, on trouve dans ce projet des articles qui encouragent le secteur informel tel que celui relatif à l’utilisation du cash.
En tout cas, il n’est jamais tard pour bien faire.





















