Si sur le plan politique les relations tuniso-algériennes sont au beau fixe, sur le plan commercial les échanges progressent mais restent modestes. Un grand potentiel de croissance raté entre les deux pays. L’actuelle visite du premier ministre algérien en Tunisie est une bonne occasion pour booster les relations économiques et surtout balayer les goulots d’étranglements du commerce transfrontalier. Plus de 25 accords de coopération dans différents domaines ont été signés. La composition de la délégation algérienne traduit l’intérêt porté à cette visite. Mais à la fin un goût d’inachevé persiste.
Tunisie-Algérie : oui….mais :
Selon les derniers chiffres officiels les échanges commerciaux entre l’Algérie et la Tunisie ont atteint plus de 2.3 milliards de dollars. La Tunisie exporte pour 400 millions de dollars, alors qu’elle importe pour 1.8 milliards de dollars. Nos importations sont composées principalement d’énergie (gaz), électricité et quelques produits industriels. Nos exportations sont plus diversifiées avec des produits agricoles, industriels, ….
Depuis des années la Tunisie est devenue très dépendante de l’Algérie surtout au niveau de l’électricité. La STEG a eu recours au soutien de la société algérienne pour combler le déficit d’électricité surtout en été.
Les échanges entre la Tunisie et l’Algérie ne se limitent pas aux échanges formels, mais existe un grand volume d’échanges informels via la contrebande. Selon des estimations sérieuses, le volume de la contrebande atteint 1.8 milliards de dinars, soit presque le même volume que le commerce organisé.
Depuis des années le commerce parallèle ne se limitait pas à de l’hydrocarbure et du bétail, aujourd’hui la gamme de produit est très élargie. Du café, du sucre, de l’huile végétale, du riz….tous les produits de première nécessité sont importés illicitement d’Algérie et vendus dans les marchés tunisiens. Le trafic du café enregistre depuis quelques mois un essor important. En effet, la différence de prix entre le café algérien et celui commercialisé par l’Office du Commerce Tunisien, encourage les professionnels à avoir recours au café algérien.
Ce grand marché de contrebande avait financé à un certain moment le terrorisme dans les deux pays.
Plus d’3millions d’algériens visitent notre pays chaque année. Un blocage se trouve actuellement du côté algérien à cause de l’indemnité touristique de 750 euros délivrés par les autorités algériennes. Dans l’autre sens, ce sont en moyenne 1.2 million de tunisiens qui visitent l’Algérie chaque année. Un grand commerce de voyages organisés s’est établi depuis des années.
Plusieurs sociétés tunisiennes et algériennes sont établies des deux côtés. Malgré que les investisseurs tunisiens trouvent beaucoup de difficultés à investir en Algérie pour des raisons de complexité administrative qui dépasse la nôtre.
Les échanges entre les deux pays
Un potentiel économique raté :
L’Algérie et la Tunisie sont deux pays très complémentaires sur le plan économique. Outre les relations humaines très ancrées surtout dans les régions frontalières, tunisiens et algériens peuvent se développer mutuellement.
Les zones franches économiques sont le cadre le plus opportun pour booster les échanges et les investissements entre les deux pays.
La volonté politique des deux pays est manifeste pour la création de ces zones, mais elle n’est pas traduite sur le terrain.
Du côté tunisien une étude de faisabilité des zones économiques franches entre la Tunisie et l’Algérie a été réalisée depuis 2016. Des sites ont été identifiés. Les résultats de cette étude ont été à maintes reprises partagés avec la partie algérienne. Des réticences persistent sur la rentabilité et l’opportunité de ces sites par la partie algérienne. Une structure a été même mise en place au niveau du ministère du commerce tunisien pour piloter ces projets.
Sur le plan de la volonté encore, le président algérien Tebboun avait annoncé à l’occasion de la 41ème réunion du Comité d’orientation des chefs d’Etat et de Gouvernement du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) la création de zones franches avec la Mauritanie, puis les pays du Sahel tels que le Mali et le Niger, outre la Tunisie et la Libye. Un projet qui est resté au niveau de l’annonce sans actions concrètes du côté algérien.
Or la création de ces zones permettra d’attirer les investissements des deux pays et internationaux à travers un régime fiscal simplifié et allégé. Ces projets permettront aussi la création d’emploi et la réduction de la contrebande qui a atteint des niveaux graves ces dernières années. Le développement de la logistique et les infrastructures vont améliorer le niveau d’intégration des deux économies. Ils vont aussi développer ces régions frontalières dont la majorité des citoyens vivent de la contrebande.
Nous aurons aimé que la visite du premier ministre algérien fût une occasion pour annoncer la création effective d’au moins une zone franche économique.
Nous aurons aimé aussi que la visite soit une occasion pour annoncer le placement d’un dépôt en devise de l’Algérie auprès de la Banque Centrale Tunisienne afin de soutenir notre dinar et améliorer nos réserves, chose que l’Algérie avait faite depuis 2011.
Nous aurons aimé aussi que la visite du premier ministre algérien soit une occasion pour annoncer l’harmonisation des procédures du commerce extérieur entre les deux pays et la création d’un guichet unique et d’une plateforme électronique pour le dédouanement des marchandises.
Nous aurons aimé que cette visite fût une occasion pour annoncer la création de projets industriels communs dans le cadre de la coproduction de produits destinés pour l’export et pour les deux marchés. Une expérience qui a réussi dans les années 90 avec des projets de cimenteries ou d’industrie automobile.
Autant de projets et d’opportunités qui sont malheureusement ratés.
L’analyse purement diplomatique fait état d’une relation basée sur le respect mutuel et l’amour entre les deux présidents Kais Said et Tebboun. Une situation qui malheureusement n’est pas traduite en opportunités économiques qui contribuent au développement mutuel.