Au moment ou les membres du gouvernement évoquent le décollage de l’économie nationale, apparaissent les chiffres du commerce extérieur. Des chiffres qui attestent d’un déficit commercial abyssal et grave. Pourtant la conjoncture nationale et internationale est à notre faveur. Des prix des céréales qui se stabilisent, et une production nationale agricole bonne. Alors pourquoi un tel déficit ?
Un déficit qui se creuse :
Durant les 11 premiers de l’année nous avons exporté pour 58 milliards de dinars alors que nous avons importé pour 78 milliards de dinars. Les exportations ont augmenté de 1.5% alors que les importations ont augmenté de 5.8%, ce qui nous fait un déficit commercial de 20.1 milliards de dinars contre 16.7 milliards de dinars durant la même période de 2024. Le taux de couverture a atteint un niveau de (74,2%) contre (77,3%) durant la même période en 2024.
Selon les chiffres de l’INS, le déficit provient principalement du groupe des produits énergétiques de (-10308,4 MD), des matières premières et demi-produits de (-5514 MD), des biens d’équipement de (-3268,8 MD) et des biens de consommations (-1952,9 MD).
Quant aux exportations, et outre le phosphate et dérivés ainsi que les industries mécaniques et électriques, nous accusons des baisses importantes dans la majorité des secteurs. Les exportations dans le secteur de l’énergie ont baissé de -29,6% sous l’effet de la diminution de nos ventes des produits raffinés, ainsi que le secteur des industries agroalimentaires de (-11,2%) à la suite de la baisse de la valeur de nos ventes en huiles d’olives (3470,7 MD contre 4456,2 MD) et le secteur textile, habillement et cuirs de (-1,8%).
Causes structurelles :
Le déficit commercial en Tunisie est structurel. En 2024, nous avons enregistré un déficit de 19 milliards de dinars en hausse de 10.8% par rapport à 2023 qui a été de 17 milliards de dinars.
La plus grande cause du déficit commercial provient principalement de la dépendance énergétique extérieure. Notre balance énergétique accuse un déficit de 10 milliards de dinars durant les 11 premiers mois. Les exportations tunisiennes de pétrole ont nettement diminué alors que nos importations d’hydrocarbures augmentent à cause d’une hausse de la consommation et surtout du retard accusé dans les projets de transition énergétique. Les permis pour de nouvelles prospections pétrolières sont limitées et la majorité des puits est en fin de vie.
La Tunisie a aussi un tissu industriel qui est très dépendant des importations. Plusieurs machines et de la matière première fini ou semi-fini sont importés chaque année pour les besoins de la production. L’industrie électrique et mécanique ainsi que l’industrie du textile et habillement reposent principalement sur les importations de matières premières et composantes importés. Ces deux industries ont un niveau d’intégration très faible. Le tissu productif local est insuffisant en biens intermédiaires et d’équipement.
Sur un autre plan, le déficit commercial est structurel à cause d’une dépendance aux marchés mondiaux des produits agricoles de premières nécessités à savoir les céréales, l’huile végétale, le café, le riz et le sucre. La production nationale céréalière n’est pas stable et très dépendante des aléas climatiques.
Il est important de signaler que la valeur de nos exportations d’huile d’olive a baissé malgré une hausse des quantités exportées. Une baisse expliquée par la chute du cours de l’Or jaune à l’échelle internationale.
Sur un autre plan, il est évident que nos structures d’appui à l’exportation ne sont pas efficaces. Le CEPEX, les chambres de commerces ou les groupements interprofessionnels sont restés dans une politique classique de promotion des exportations. On se limite à la participation à des expositions et foires internationales, à l’organisation de rencontres « B to B » et à la publication des photos de cette participation sur Facebook.
Or les manières de promouvoir un produit sont en train de changer avec la montée de l’Intelligence Artificielle et l’importance des influenceurs et des réseaux informels de commercialisation.
Le président de la République avait à maintes reprises appelé à la refonte de ces structures telles que le CEPEX, la FIPA, l’APIA, ….mais le dossier n’avance pas.
La diplomatie économique de son côté ne joue pas pleinement son rôle. On est figé dans l’envoi de notes de conjoncture sans réaliser des activités de lobbying ou de promotion des produits tunisiens. C’est entre autres pour ces raisons que nos exportations stagnent et que la balance commerciale est structurellement déficitaire.
La Tunisie a besoin plus que jamais d’une politique industrielle et agricole ciblée pour réduire sa dépendance.
L’analyse du déficit commercial confirme ainsi une certaine concentration des exportations sur certaines filières industrielles intégrées. Quant à nos importations elles ont une importance stratégique pour le pays et ne sont pas compressibles (hydrocarbure, alimentation). L’analyse dégage aussi un constat amer : nous accusons un déficit grave au niveau de la valeur ajoutée locale.
Les structures d’appui à l’exportation ont besoin d’un renouveau afin rendre leurs actions plus efficaces.
abou farah