L’année 2025 s’annonce comme une année record pour l’exportation de l’huile d’olive tunisienne. Les prévisions indiquent une augmentation très importante des quantités exportées, confirmant la position de la Tunisie comme un acteur majeur sur le marché mondial de l’or vert. Cette dynamique soulève une question stratégique cruciale : face à une production abondante, le pays a-t-il eu raison d’exporter massivement ou aurait-il dû constituer des stocks stratégiques dans l’attente d’une hausse des prix mondiaux ?
Une Production et une Exportation en Hausse Exceptionnelle en 2025
Plusieurs facteurs convergent pour expliquer la flambée des exportations tunisiennes prévues pour 2025 :
- Des Conditions Climatiques Favorables : Après des années de sécheresse, une pluviométrie meilleure a permis une excellente récolte, boostant la production nationale.
- Le Renouvellement des Vergers : Les efforts entrepris ces dernières années pour moderniser les oliveraies, planter de nouveaux arbres et améliorer les rendements commencent à porter leurs fruits.
- Une Demande Internationale Soutenue : La demande mondiale ne faiblit pas, portée par la reconnaissance des bienfaits santé de l’huile d’olive. La Tunisie, grâce à son rapport qualité-prix très compétitif, est bien placée pour répondre à cette demande, notamment sur des marchés exigeants comme l’Union Européenne, les États-Unis et l’Asie.
- Une Stratégie de Promotion Aggressive : Le travail des organismes nationaux comme l’Office National de l’Huile (ONH) pour promouvoir la marque « Tunisian Olive Oil » à l’international commence à payer, ouvrant de nouveaux débouchés.
Cette conjonction d’éléments place la Tunisie dans une position de force avec un volume d’huile disponible à l’exportation très important.
Le Dilemme Stratégique : Exporter Immédiatement ou Stocker ?
Face à une production excédentaire, le pays est confronté à un choix économique complexe.
Les arguments POUR une exportation massive et immédiate :
- Besoin Immédiat de Trésorerie : Les producteurs, les huileries et les exportateurs ont besoin de liquidités pour couvrir leurs coûts (récolte, transformation, main-d’œuvre) et investir. Exporter rapidement permet de générer des revenus sans délai.
- Éviter les Coûts de Stockage : Le stockage de l’huile d’olive a un coût (location de cuves, maintenance, assurance). Pour une filière souvent fragile financièrement, ces coûts peuvent grever la rentabilité.
- Risques de Dégradation : Bien que l’huile d’olive se conserve, une storage prolongée comporte toujours un risque d’altération de la qualité (oxydation, acidification) si les conditions ne sont pas parfaites, ce qui ferait perdre de la valeur au produit.
- Saisir les Opportunités du Marché : S’engouffrer sur le marché quand l’offre des concurrents (notamment l’Espagne) est faible permet de signer des contrats à moyen terme et de conquérir des parts de marché durables.
Les arguments POUR la constitution d’un stock stratégique :
- Anticiper une Hausse des Prix : Le marché de l’huile d’olive est volatile. Une mauvaise récolte chez les principaux concurrents (Espagne, Italie, Grèce) l’année prochaine pourrait faire flamber les prix mondiaux. Avoir un stock à revendre à ce moment-là générerait des profits bien plus importants.
- Lisser les Revenus sur l’Année : Avoir un stock permet de continuer à exporter et à générer des revenus même en dehors de la saison de production, en s’affranchissant partiellement de l’aléa climatique.
- Pouvoir Négocier en Position de Force : Disposer de stocks importants donne un levier de négociation plus fort avec les acheteurs internationaux, permettant de mieux résister aux pressions sur les prix.
- Assurer une Livraison Continue : Pour fidéliser les clients, il est crucial de pouvoir honorer les commandes toute l’année, ce que permet un stock bien géré.
Une stratégie mixte, gage de résilience
La décision d’exporter massivement en 2025 plutôt que de stocker massivement n’est ni entièrement bonne ni entièrement mauvaise. Elle est souvent dictée par des impératifs économiques à court terme pour les acteurs de la filière.
Cependant, pour maximiser la valeur de sa production et sécuriser ses revenus à long terme, la Tunisie gagnerait à développer une véritable stratégie de gestion des stocks à l’échelle nationale. Cela pourrait passer par :
- Un Stock Stratégique Public ou Semi-Public : Des structures comme l’ONH pourraient jouer un rôle de régulateur en constituant un stock tampon lors des excellentes récoltes.
- Des Incitations au Stockage Privé : Aider financièrement les producteurs et les moulins à investir dans des capacités de storage modernes et adaptées.
- Une Veille de Marché Renforcée : Anticiper les récoltes chez les concurrents pour ajuster la stratégie de vente et de stockage.
Exporter massivement en 2025 est une aubaine pour les finances du pays et la notoriété de sa filière. Mais pour transformer l’essai et passer du statut de fournisseur quantitatif à celui de valeur sûre stratégique, la Tunisie doit apprendre à jouer avec le temps en maîtrisant l’art du stockage. L’équilibre entre vendre maintenant au prix du marché et vendre plus tard au meilleur prix est la clé pour bâtir une filière oléicole tunisienne plus résiliente et plus profitable.
ABOU FARAH





















