Un conflit lointain aux conséquences bien réelles
Depuis février 2022, la guerre en Ukraine bouleverse l’équilibre international, provoquant une crise géopolitique majeure et des secousses économiques ressenties bien au-delà des frontières européennes. Si la Tunisie n’est pas directement impliquée dans le conflit, ses répercussions se font durement sentir : flambée des prix du blé, hausse du coût de l’énergie, pression sur les finances publiques et aggravation de l’insécurité alimentaire. Dans ce contexte, plaider pour un cessez-le-feu n’est pas seulement un choix moral ou diplomatique ; c’est aussi un impératif économique et stratégique.
La neutralité tunisienne en héritage
La diplomatie tunisienne a longtemps cultivé une tradition de non-alignement, héritée des grandes heures du mouvement afro-asiatique et du rôle de la Tunisie au sein des Nations unies. À plusieurs reprises, Tunis s’est positionnée comme un acteur du dialogue, refusant les logiques de blocs. Dans l’affaire ukrainienne, cette posture reste cohérente : la Tunisie peut défendre le droit international et la souveraineté des États tout en appelant à la fin des hostilités, sans pour autant basculer dans une confrontation frontale avec l’un ou l’autre camp.
En plaidant pour la paix, la Tunisie retrouve son rôle naturel : celui d’une voix modérée, à la fois arabe, africaine et méditerranéenne, qui cherche à rapprocher les points de vue.
Une guerre qui affame
La première conséquence de la guerre pour la Tunisie est alimentaire. Le pays dépend des importations de céréales, en particulier du blé tendre ukrainien et russe. Le blocus des ports de la mer Noire, combiné aux sanctions internationales, a désorganisé la chaîne d’approvisionnement. Résultat : des factures d’importation en forte hausse et une dépendance accrue vis-à-vis de quelques fournisseurs, notamment l’Union européenne.
Dans un pays où le pain demeure un produit vital et symbolique, la question céréalière dépasse le simple cadre économique : elle touche à la stabilité sociale. Un cessez-le-feu faciliterait le retour à une relative fluidité des exportations et réduirait la pression sur les finances publiques.
L’énergie, un fardeau supplémentaire
Au choc alimentaire s’ajoute la flambée des prix du gaz et du pétrole. Dépendante de ses importations énergétiques, la Tunisie a vu sa facture s’alourdir, accentuant le déficit budgétaire et creusant le déséquilibre de sa balance commerciale. Or, une désescalade militaire en Ukraine aurait pour effet immédiat de calmer les marchés de l’énergie et de donner un répit à des économies fragilisées comme la nôtre.
Une voix africaine dans le concert international
L’Afrique, dans son ensemble, a payé un lourd tribut au conflit : hausse des prix, aggravation de la dette et tensions sociales. En appelant à un cessez-le-feu, Tunis pourrait non seulement défendre ses propres intérêts mais aussi porter la voix des pays africains dépendants des importations de céréales et d’engrais.
Cette position renforcerait le rôle de la Tunisie au sein de l’Union africaine, où certains États comme l’Afrique du Sud ou le Sénégal cherchent déjà à promouvoir des initiatives de médiation.
Préserver un équilibre diplomatique délicat
Sur le plan international, la Tunisie doit maintenir une relation privilégiée avec l’Union européenne, son premier partenaire économique, tout en conservant des liens stratégiques avec la Russie, fournisseur majeur de céréales et d’engrais. En appelant à un cessez-le-feu, Tunis envoie un signal d’équilibre : ni alignement total sur l’Occident, ni rupture avec Moscou. Une posture de neutralité active qui peut éviter des tensions diplomatiques et ouvrir des opportunités de coopération des deux côtés.
Une question humanitaire et d’image
Au-delà des considérations économiques et stratégiques, il y a la dimension humaine. La guerre en Ukraine a déjà fait des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés. La Tunisie, qui revendique son attachement au droit des peuples et à la dignité humaine, ne peut rester indifférente.
Un plaidoyer tunisien en faveur d’un cessez-le-feu consoliderait aussi l’image du pays comme acteur engagé pour la paix. Une cohérence qui s’inscrit dans la continuité de sa position sur la Palestine : refus de la guerre, défense des civils et primauté du droit international.
une diplomatie au service de l’intérêt national
Plaider pour un cessez-le-feu en Ukraine n’est pas une posture lointaine ou abstraite. C’est un choix dicté par des réalités bien concrètes : protéger la sécurité alimentaire, alléger la facture énergétique, renforcer la diplomatie tunisienne et préserver la stabilité sociale.
Dans un monde marqué par des fractures profondes, la Tunisie peut jouer un rôle utile : celui d’un pays qui refuse la guerre et rappelle l’urgence d’un retour au dialogue. Car, au bout du compte, la paix en Ukraine est aussi une condition de la prospérité et de la stabilité en Tunisie.





















