La Banque Centrale vient de publier son rapport sur la supervision bancaire en 2024. Un rapport riche en informations. La principale information à retenir de ce rapport à notre sens est la hausse des créances classées qui traduit les difficultés financières et économiques des acteurs économiques en Tunisie. Le plus dangereux dans ces chiffres est la part des créances de classe 4 qui dépasse les 80%.
En effet, selon le rapport, la part des créances classées s’est aggravée de 200 points de base au cours des deux dernières années pour atteindre 14,5% à fin 2024 reflétant les difficultés rencontrées par les entreprises privées et notamment les PME. Ce taux était de 12.6% en 2022 et de 13.6% en 2023. Le taux de couverture des créances classées par les provisions a chuté au cours des deux dernières années. Il est passé de 55.1% à 50.5%.
L’encours total des créances classées dans le secteur des banques résidentes seulement a atteint 19.2 milliards de dinars, en hausse de 11.2% par rapport à 2023. Pour mémoire l’encours des créances classées était de 15.6 milliards de dinars en 2022.
Au niveau des établissements de leasing, le taux des créances classées est passé de 10.2% en 2022 à 8.9% en 2024. Quant à la couverture des créances classées par les provisions, ils ont atteint 66.9% en 2024. L’encours des créances classées du secteur est passé de 420 millions de dinars en 2022 à 418 millions de dinars en 2024.
La part des créances classées par opérateur a aussi enregistré une hausse. En effet, elle est de 19.9% pour les entreprises contre 17.1% en 2022, et de 8% pour les particuliers.
Le secteur industriel le plus touché :
Dans ces créances classées c’est le secteur de l’industrie qui détient la part du lion avec 31%, suivi du secteur du commerce avec 19%, et la construction 15%. Les particuliers ne représentent que 11% de l’encours des créances classées.
Selon le rapport sur la supervision bancaire, la ventilation des créances classées par secteur montre le maintien de la concentration sur les secteurs de l’industrie, des constructions et du commerce qui ont accaparé 64,5% de l’encours des créances classées en 2024 contre 62,8% en 2023. Réunis, ces trois secteurs représentent 54,7% des engagements du secteur bancaire. Par ailleurs, les taux des créances classées des différents secteurs ont connu des évolutions défavorables en 2024 à l’exception du secteur agricole dont le taux des créances classées est revenu à 21,5% en 2024 contre 22,3% en 2023.
82.6% de classe 4 :
La qualité des créances classée s’est aussi nettement détériorée. En effet, en 2024 on a enregistré une hausse de la part des créances classées 4 dans le total des engagements de 12% et ce, en dépit de la radiation, en 2024, d’une enveloppe de 793 MDT dans le cadre de l’application des dispositions de la circulaire n°2022-01. La structure des créances non performantes par classe demeure marquée par une prépondérance de la classe 4 qui représente 82,6% des créances classées à fin 2024.
9 banques détenant 40,2 % du total actif du secteur, affichent une part des créances classées supérieure à 15%.
La hausse des créances classées touche aussi les banques islamiques. En effet la part des créances classées a atteint 6,7% des engagements contre 5,8% à fin 2023. L’encours des créances classées a atteint 754 millions de dinars en 2024 contre 528 millions de dinars en 2022. Taux de couverture des créances classées par les provisions au niveau des banques islamiques a atteint 37.5% en 2024.
Ces chiffres montrent les difficultés économiques des entreprises tunisiennes, mai traduisent aussi la fragilité du secteur bancaire.
On peut craindre pour les mois à venir de nouvelles restrictions et mesures prudentielles de la part des banques pour le financement des entreprises.
abou farah