Le 08 Juillet 2025, 22 députés ont déposé un projet de loi pour la création de la Banque Postale. Un projet qui date depuis une vingtaine d’années sans voir le jour. Avec l’orientation sociale des politiques publiques du pays, le projet de création de la banque postale s’est accéléré. Mais la lecture du projet de loi, tel qu’il est présenté, offre une vision minimaliste de la banque. Un projet de loi, qui, à notre sens ne mérite pas d’être examiné en plénière.
Un projet de loi à revoir :
L’article 3 du projet de loi qui présente les objectifs de la Banque Postale, les définit comme suivant :
- La banque postale est un outil efficace et principal pour la promotion de l’inclusion financière à travers la présentation de services et produits financiers au profit des couches sociales exclues du système bancaire ayant un revenu très bas, bas et moyen moyennant un prix préférentiel.
- Mettre à la disposition des citoyens un réseau de locaux et bureaux sur tout le territoire avec facilitée d’accès et une couverture des zones non couvertes par le réseau bancaire.
- Rapprocher et faciliter les services financiers à des prix préférentiels et non exorbitants.
L’article 11 du projet de loi confirme de son côté une vision sociale du projet de la banque postale. En effet, il prévoit que la Banque postale doit exiger les garanties minimales lors de l’octroi de crédits, la mise à disposition des clients issus des couches sociales précaires une carte bancaire à tarif préférentiel et les employés de la Banque Postale doivent travailler selon un objectif de promotion de l’inclusion financière et l’aspect social de la Banque.
L’article 4 du projet de loi détaille les missions de la Banque Postale, qui se rapprochent largement d’une banque commerciale. Selon le projet des députés, la Banque Postale, ouvrira des comptes courants et des comptes d’épargne, octroie des crédits, réaliser des opérations de change, gérer les outils de paiement, gérer les dépôts des clients, réaliser les opérations de transfert d’argent,…
Le capital du projet de la Banque Postale sera de 60 millions de dinars libérable sur 4 ans.
Selon le projet de lois, la Banque Postale sera une entité filiale de la Poste Tunisienne et va utiliser les plateformes et la logistique de cette dernière selon une convention.
La vision avec laquelle ce projet de loi a été présenté, repose sur un rôle purement social. On ne parlera pas alors d’une vraie banque au sens académique et pratique du terme.
La Banque Postale sera une nouvelle Banque Tunisienne de Solidarité, mais cette fois orientée vers les exclus plutôt que la création de projet.
Cette vision est aussi une manière de lever les craintes des banques de la place, qui voient dans la banque postale un concurrent sérieux, vu son réseau sur le territoire et sa capacité à mobiliser les dépôts des clients. En effet, la Banque Postale va s’occuper de ceux exclus du système bancaire actuel, vu leurs revenus ou leurs positionnement social.
Le projet de loi tel qu’il est présenté par les députés et qui sera étudié en commission est très maigre et ne part pas d’une vision financière de la banque postale, mais plutôt d’un bras financier du ministère des affaires sociales ou du gouvernement.
Le projet de lois ne traite pas les aspects techniques de la création de la banque postale, et se limite aux aspects généraux.
La banque postale : est-il temps ?
La poste tunisienne est certainement un très grand acteur dans le secteur financier. En effet, elle dispose de 1054 bureaux de poste, 8832 employés et 436 distributeurs automatiques de billets.
La poste aussi détient 4.3 millions d’épargnants et 2.1 compte courant postal. Le chiffre d’affaire de la poste a atteint 620 millions de dinars. Contrairement aux banques, la poste tunisienne bénéficie d’un capital de confiance important de la part des tunisiens. Elle bénéficie aussi du soutien des institutions publiques et a une expérience importante dans le domaine des services financiers et principalement dans les opérations de paiement, de transfert et d’épargne.
Sur un autre plan, le personnel de la poste tunisienne qui va migrer vers la banque postale, ne dispose pas de la culture financière nécessaire avec l’analyse des risques et le respect de la règlementation bancaire. Donc ce personnel a certainement besoin d’une formation adéquate à ce niveau. Sur le plan technologique, la poste tunisienne dispose certes d’une infrastructure solide, mais elle est vieillissante et n’obéit pas aux exigences et standards d’une banque universelle.
La nouvelle banque postale peut aussi entrainer avec elle la lourdeur de l’administration publique et la mentalité du fonctionnaire, avec une réticence énorme au changement.
A notre sens il est important de temporiser pour la création d’une banque postale, car, si le projet échoue, on risque de perdre notre chère poste.
Un partenariat avec une banque de la place est nécessaire pour la réussite d’un tel projet tel que la BTE, surtout après l’échec de l’acquisition de la BTK. La banque postale ne doit surtout pas être un outil populiste, mais doit découler d’un besoin pratique.
