À la suite de la parution sur nos confrères d’IlBoursa d’une analyse approfondie signée par l’expert-comptable Anis Wahabi, nous avons jugé utile de prolonger ce débat par une réflexion critique sur le rôle du secteur bancaire tunisien et, surtout, sur la responsabilité du Conseil Bancaire et Financier (CBF). Le constat d’Anis Wahabi : un paradoxe inquiétant L’étude rappelle un paradoxe bien connu mais rarement assumé : d’un côté, les banques tunisiennes affichent des bénéfices en nette progression – avec des résultats nets record pour la BIAT, Attijari Bank ou Amen Bank – et, de l’autre, l’économie nationale reste enlisée dans une croissance anémique, un chômage persistant et une inflation qui étrangle les ménages. Plus grave encore, alors que la loi d’août 2024 impose aux établissements bancaires de consacrer 8 % de leurs bénéfices nets au financement des PME, aucune traduction concrète de cette disposition n’a encore vu le jour. Le rôle attendu du CBF Dans ce contexte, la réaction du Conseil Bancaire et Financier ne peut se limiter à une posture de spectateur. En tant qu’instance fédératrice des banques, il lui revient de : Établir une charte sectorielle qui conditionne les privilèges bancaires à des résultats mesurables en matière de financement productif et d’inclusion financière. Créer un observatoire bancaire indépendant pour publier, de façon transparente, les chiffres relatifs aux crédits PME, à la bancarisation et à la digitalisation des services. Mettre en œuvre sans délai l’article 412 III, en canalisant une partie des profits vers un fonds commun de soutien aux entreprises, véritable levier de relance économique. Réconcilier rentabilité et mission sociale L’étude d’Anis Wahabi invite à repenser le contrat implicite qui lie les banques à la société tunisienne. Si la rentabilité est légitime, elle ne peut se construire indéfiniment au détriment de l’inclusion financière et du financement de l’économie réelle. Le CBF doit engager le secteur sur une trajectoire nouvelle, où la solidité financière rime avec responsabilité sociale et contribution au développement. Une opportunité historique Le temps presse : ou bien les banques tunisiennes s’inscrivent dans un mouvement de réformes structurelles inspirées des expériences réussies à l’étranger (Brésil, Maroc, Turquie), ou bien elles risquent de se retrouver perçues comme un frein à la modernisation économique. En publiant cette réflexion, nous faisons écho à l’appel d’Anis Wahabi : il est urgent que le Conseil Bancaire et Financier se saisisse du dossier et propose une véritable feuille de route nationale pour sortir du modèle de rente et renouer avec la mission première du secteur bancaire : financer la croissance et l’avenir du pays.





















