Le système de santé en Tunisie est sous une pression énorme. Un nombre de malades en croissance continue face à des moyens de plus en plus limités, une infrastructure vieillissante et des charges énormes. Si des progrès sont remarquables au niveau de l’espérance de vie ou de la couverture sociale (76%), des dangers persistent au niveau de la croissance continue des personnes atteintes de maladies chroniques. Un constat vérifié par les chiffres officiels et qui risque même de mettre en péril le système d’assurance maladie.
Selon les chiffres de l’Institut National de la Consommation, 19.2% des tunisiens souffrent de maladies chroniques (20.6% dans le milieu urbain et 16.3% en milieu rural). Ce chiffre était de 15.8% en 2015 et 14.2% en 2010. Une croissance fulgurante qui témoigne d’une détérioration de la santé des tunisiens, soit à cause de leur mode de vie ou un manque de prise en charge par le système de santé national. Quelques soient les raisons, les maladies chroniques sont responsable de plus de 80% des décès en Tunisie.
Nous avons plus de 20% des tunisiens qui sont diabétiques, plus de 30% des personnes de plus de 40 ans ont l’hypertension artérielle, et 1 tunisien sur 3 souffre d’une surcharge pondérale.
Ces chiffres on les retrouve aussi au niveau de la prise en charge APCI au niveau de la CNAM. En effet, selon les derniers chiffres publiés, le nombre de personnes ayant une décision APCI est de plus de 1 million d’adhérents 12 fois le nombre de bénéficiaires en 2007, alors que le nombre de décisions de prise en charge APCI atteint plus de 1.5 million de décision soit plus de 14 fois le nombre de 2007.
Cette situation ne fait qu’alourdir le déficit abyssal de la CNAM et des autres caisses de sécurité sociale.
Selon l’INS, les dépenses de santé des tunisiens ont nettement augmenté depuis des années et représentent selon l’enquête consommation de 2021 plus de 11.1% du budget dont 9.1% sont directement alloués à la santé. En effet, 2.9% sont affectés aux dépenses médicales ordinaires, 2.3% pour les dépenses exceptionnelles et 3.8% pour les dépenses pharmaceutiques. En termes monétaires, les dépenses par personne/an pour la rubrique santé atteignent 609 dinars (675 dinars en milieu urbain et 474 dinars en milieu rural). Pour une famille de 4 personnes, ce sont 2500 dinars qui sont annuellement alloués aux dépenses de santé. La hausse des dépenses de santé, face à un pouvoir d’achat qui s’effrite au fil des années, est l’une des causes de la détérioration de la santé du tunisien, qui contribue à raison de 38% dans les dépenses de santé alors que l’OMS recommande de ne pas dépasser entre 20 et 25%. Plusieurs tunisiens ont constamment recours à l’automédication, ou à la consultation d’un médecin par téléphone, pour éviter les dépenses liés à la consultation ou aux analyses. Cette situation a conduit à un manque flagrant de suivi médical.
La croissance des maladies chroniques en Tunisie est aussi causée en grande partie par le mode de consommation et le rythme de vie. En effet, une grande partie des tunisiens sont sédentaires puisque 2 tunisiens sur 10 pratiquent une activité physique régulière, un tunisien sur cinq fume et un adulte sur 3 a une surcharge pondérale. Notre consommation du sucre atteint en moyenne 50 grammes/jours alors que l’OMS conseille de ne pas dépasser 25 grammes, et nous consommons en moyennes 12 g de sel/jour alors que l’OMS conseille de ne pas dépasser 6 grammes.
Pour faire face à la détérioration de la santé des tunisiens et inverser la tendance des maladies chroniques, la Tunisie doit investir massivement dans l’éducation nutritionnelle chez les jeunes surtout, encourager l’activité physique en l’intégrant les usines, les administrations et les cités ; et augmenter les taxes sur le tabac afin de dissuader les fumeurs. Le coût économique d’un tel investissement est beaucoup moins élevé que le coût de la prise en charge médicale et des vies humaines.