La récente déclaration de franchissement de seuil à la baisse par la société Ekuity Capital, passant de 8,57% à 4,51% du capital d’Unimed, interroge sur la confiance des investisseurs dans la pérennité de la société pharmaceutique tunisienne. Cette cession de 1,3 million d’actions, intervenue le 2 septembre 2025, survient dans un contexte particulièrement trouble pour Unimed, marqué par l’arrestation de son fondateur et une situation financière qui, bien que montrant une rentabilité au premier semestre 2025, présente des signes de vulnérabilité.
Une performance financière semestrielle en demi-teinte
Les états financiers intermédiaires d’Unimed au 30 juin 2025 affichent un résultat net positif de 10,4 millions de dinars (M TND), en nette amélioration par rapport aux 7,6 M TND de juin 2024. Le chiffre d’affaires s’est également accru, passant de 66,2 M TND à 72,3 M TND sur un an. Ces indicateurs pourraient laisser penser à une société en bonne santé.
Cependant, une analyse plus approfondie révèle des faiblesses structurelles. La trésorerie a diminué, passant de 20,99 M TND à fin 2024 à 19,86 M TND mi-2025. Surtout, l’endettement reste très élevé, avec un total de passifs de 87,9 M TND, dont 28,7 M TND de dettes non courantes et 59,1 M TND de dettes courantes. Les flux de trésorerie liés à l’exploitation (3,89 M TND) sont positifs mais peinent à couvrir les importants remboursements d’emprunts (34,85 M TND sur la période), ce qui indique une dépendance forte au financement bancaire pour maintenir la liquidité.
L’ombre de la gouvernance et des contrôles fiscaux
La situation est aggravée par des facteurs externes. L’arrestation du fondateur, M. Ridha Charfeddine, jette une ombre significative sur la gouvernance de l’entreprise et sa réputation. De plus, la note IX.7 des états financiers révèle qu’Unimed fait l’objet d’un contrôle fiscal approfondi portant sur la période 2020-2023, concernant pas moins de dix impôts et taxes différents. L’issue de ce contrôle et ses éventuels impacts financiers (pénalités, redressements) constituent une épée de Damoclès sur la société et créent une incertitude majeure pour les investisseurs.
Enfin, les commissaires aux comptes ont émis une conclusion avec réserve dans leur rapport, pointant du doigt l’impossibilité d’évaluer la nécessité de provisions supplémentaires sur une participation importante (17,51%) dans la société Promochimica et sur une avance en compte courant d’un million de dinars qui lui est consentie. Cette opaque situation ajoute au risque perçu.
Ekuity Capital : Rationalité stratégique ou fuite avant la tempête ?
Dans ce contexte, la décision d’Ekuity Capital de réduire de moitié sa participation peut s’interpréter de deux manières :
- Une stratégie de gestion de risque rationnelle : En tant qu’investisseur financier, Ekuity Capital pourrait simplement chercher à réduire son exposition à un actif devenu trop risqué, cumulant risque de gouvernance, risque fiscal et risque lié à des participations douteuses. La réalisation d’une plus-value après une période de détention relève d’une gestion de portefeuille classique.
- Un signal d’alarme : La vente d’une telle quantité d’actions par un actionnaire significatif est souvent perçue comme un manque de confiance dans les perspectives futures de l’entreprise. Cela pourrait indiquer qu’Ekuity Capital, disposant potentiellement d’une information privilégiée, anticipe des difficultés accrues pour Unimed et préfère « quitter le navire » avant une éventuelle dégradation plus prononcée de la valorisation.
Vigilance accrue pour les actionnaires
Il est trop tôt pour affirmer que le navire Unimed est en train de couler. La société dégage toujours du profit et son activité opérationnelle semble résiliente. Cependant, les signaux négatifs s’accumulent : endettement élevé, baisse de trésorerie, graves inquiétudes sur la gouvernance, contrôle fiscal menaçant et mise en garde des commissaires aux comptes.
Le désengagement partiel d’Ekuity Capital, actionnaire important, n’est pas anodin. Il agit comme un puissant signal d’alarme pour les autres actionnaires et le marché. Il ne s’agit pas nécessairement d’une fuite panique, mais très probablement d’un recadrage stratégique face à un profil risque/rendement qui s’est nettement dégradé. La prudence est donc plus que jamais de mise. La capacité d’Unimed à naviguer through la tempête juridique et fiscale à venir, tout en maintenant sa performance opérationnelle et en assainissant sa structure financière, sera déterminante pour son avenir et la confiance de ceux qui restent à bord.





















