La Tunisie compte une industrie plastique très développée, et qui arrive même à exporter. C’est une industrie qui fait face depuis des années à plusieurs défis majeurs. Elle est appelée aujourd’hui à se réinventer et à ajuster ses stratégies pour répondre à des exigences nationales et internationales encore plus strictes. L’échec du dernier sommet mondial sur la pollution plastique doit relancer plusieurs réflexions sur le secteur.
L’échec attendu d’un sommet :
Du 5 au 14 août 2025, plus de 180 délégations et presque 1 000 observateurs, se sont retrouvées à Genève afin de finaliser un accord mondial juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Des divergences persistantes entre les États, principalement ceux producteurs de pétrole, ont conduit à l’échec des négociations.
Ce round de négociations est le fruit de 5 réunions qui ont précédé. La première en Uruguay en novembre 2022, et la dernière au Canada en Avril 2024.
Selon les chiffres du Programme des Nations Unis pour l’Environnement, chaque minute, 15 tonnes de plastiques sont rejetées dans l’océan et les déchets plastiques devraient tripler d’ici à 2060. En 2023, la production mondiale de plastique a atteint 436 millions de tonnes, pour une valeur commerciale dépassant 1.100 milliards de dollars. Elle a également représenté 5 % du commerce total de marchandises.
Mais, en dépit de l’urgence de la situation, les délégations n’ont pas pu trouver d’accord. Les négociations sont reportées à une date ultérieure.
Les divergences pour aboutir à un texte juridiquement contraignant couvrant l’ensemble du cycle de vie des plastiques, de la conception aux déchets persistent. Les divergences opposent principalement les pays producteurs de pétrole et certains pays européens et pays de l’Amérique du Sud. Actuellement, 98 % des plastiques sont dérivés de combustibles fossiles. Le coût des dommages causés par la pollution plastique pourrait atteindre un total cumulé de 281.000 milliards de dollars entre 2016 et 2040. Selon certains experts, la pollution plastique engendre de pertes économiques liées à la santé dépassant 1.500 milliards de dollars par an.
La position de la Tunisie
La Tunisie, et comme tous les pays, a pris part à ces négociations. Selon nos informations il n’y a pas eu de concertations nationales sérieuses autour du sujet, qui prend en considération la réalité de l’industrie plastique dans notre pays. En effet, ces négociations ont un enjeu environnemental mais auront des impacts sérieux sur toute une industrie.
La Tunisie produit chaque année plus de 2.5 millions de tonnes de déchets plastique, dont seulement 10% sont recyclés selon le ministère de l’environnement. Malgré plusieurs programmes de collecte et de recyclage du plastique, des millions de quantités partent dans la nature. Les différents gouvernements ont pris plusieurs mesures pour réduire les déchets plastiques, surtout l’interdiction des sachets à usage unique, mais la situation demeure encore inquiétante, pour ne pas dire catastrophique. En se déplaçant sur le territoire tunisien on n’échappe pas à l’image des sachets plastiques de différentes couleurs jetés dans les rues et les vallées. Selon le Fonds Mondial pour la Nature le coût des sacs plastiques en Tunisie dépasse les 60 millions de dinars chaque année.
De son côté, l’industrie plastique s’est bien développée au cours des dernières années, et s’est adaptée aux nouvelles exigences. Le secteur compte plus de 638 entreprises dont 400 qui sont en relation directe avec l’industrie plastique. En effet, certaines entreprises sont de grands utilisateurs de matière plastique sans vraiment le produire. Le plastique existe dans presque 90% des outils utilisés par les ménages tunisiens. Le secteur emploie plus de 65000 personnes dont plusieurs sont des techniciens.
Cette industrie doit être proactive et anticiper les différents changements qui risquent de se produire à la lumière de l’avancement des négociations à l’échelle internationale. Le ministre de l’environnement doit lancer une étude d’impact sur le secteur en concertation avec la profession. Il est aussi important de suivre les nouvelles tendances technologiques dans le secteur pour s’adapter. Des programmes et des subventions pour la reconversion sont à prévoir afin de préserver le tissu industriel national et les milliers d’emplois derrière, tout en garantissant l’aspect environnemental et de santé.
De l’autre côté, un effort supplémentaire de sensibilisation auprès des consommateurs pour la réduction des déchets plastique est nécessaire.