L’un des enjeux majeurs des prochaines décennies, est certainement le problème de la « sécurité alimentaire ». Selon la Banque Mondiale, « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ». Le rapport annuel sur la sécurité alimentaire et la nutrition dans le monde publié récemment par le FAO a appliqué les piliers de cette définition sur tous les pays, et a évalué l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde. Les chiffres pour la Tunisie témoignent, contre toute attente, d’une dégradation inégalée de la sécurité alimentaire dans notre pays au cours des 5 dernières années.
D’après les estimations du FAO, 8,2 % de la population mondiale, soit quelque 673 millions de personnes, a connu la faim en 2024, un chiffre en baisse par rapport aux 8,5% de 2023 et aux 8,7 % de 2022.
En Afrique, plus de 20 % de la population était confrontée à la faim en 2024, ce qui représente 307 millions de personnes. En Asie de l’Ouest, cette proportion est estimée à 12,7 % de la population, soit plus de 39 millions de personnes.
D’après les projections, 512 millions de personnes pourraient souffrir de sous-alimentation chronique d’ici à 2030. Presque 60 % d’entre elles seront en Afrique.
De 2023 à 2024, la prévalence mondiale de l’insécurité alimentaire modérée ou grave – qui permet d’évaluer les contraintes qui ont entravé l’accès à une alimentation adéquate pendant une partie de l’année – a légèrement diminué, passant de 28,4 % à 28,0 %, une proportion qui représente 2,3 milliards de personnes.
La situation de la sécurité alimentaire en Tunisie en 2024 n’est pas très luisante, et malheureusement ne montre pas aucun signe d’amélioration d’une année à l’autre.
Selon le rapport du FAO, la part des tunisiens sous-alimentés est passée de 4% sur la période 2004-2006 à 3% sur la période 2022-2024. Même si le pourcentage a baissé le nombre des personnes est resté le même. En effet, la malnutrition touche en Tunisie plus de 400.000 personnes, c’es à dire des citoyens qui n’arrivent pas à manger à leurs faims, et à subvenir à leurs besoins alimentaires essentielles.
La prévalence d’insécurité alimentaire sévère en Tunisie est passée de 9.1% du total de la population sur la période 2014-2016 à 9.6% sur la période 2022-2024, soit 1.2 millions de personnes. Pour bien expliquer ce chiffre, le FAO définit l’insécurité alimentaire sévère comme « l’état où les personnes n’ont pas assez à manger et ne peuvent pas se procurer de la nourriture de manière fiable, même en épuisant toutes leurs ressources. Elle se caractérise par des situations extrêmes, comme le fait de rester sans manger pendant plusieurs jours, mettant gravement en danger la santé et le bien-être, et menant potentiellement à la mort par famine ». C’est donc un chiffre important qui interpelle à plusieurs niveaux.
La prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou sévère est passée de 18.2% sur la période 2014-2016 soit 2.1 millions de personnes à 25.4%, sur la période 2022-2024 soit 3.1 millions de personnes.
La prévalence du surpoids chez les enfants de -5 ans est passée de 13.7% sur la période 2014-2016 à 17.5% sur la période 2022-2024.
La prévalence de l’obésité chez les adultes âgés de +18 ans est passée de 22% en 2012 à 26.8% actuellement. Le phénomène de l’obésité infantile est devenu un enjeu de santé publique très grave auquel aucune stratégie sérieuse n’a été mise en place. Le coût économique de ce problème de santé risque d’être très cher dans les années à venir.
Le coût d’une alimentation saine en Tunisie, et sous l’effet de l’inflation et la hausse des prix, ne cesse d’augmenter. Selon les chiffres du FAO, le coût d’une alimentation saine par jour et en dollar en Tunisie est passé de 3.66 dollars en 2017 à 5.02 dollars en 2024. En faisant la conversion, manger sainement pour un tunisien, revient à dépenser en moyenne 16 dinars par jour. Imaginez le coût journalier pour une famille de 4 personnes. La moyenne dans le monde est de 4.46 dollars, alors qu’elle est en Afrique 4.41 dollars et en Afrique du Nord de 4.76 dollars.
La proportion de la population ne pouvant pas s’offrir une alimentation saine en Tunisie n’a pas cessé d’augmenter au cours des 10 dernières années passant de 7.7% en 2017 à 8.2% en 2024 soit 1 million de personne. On est loin de la moyenne mondiale qui est de 31.9% et la moyenne en Afrique du Nord qui est de 41.3%. A titre de comparaison ce niveau est de 56.8% en Egypte et de 20.2% en Algérie.
La question de la sécurité alimentaire en Tunisie, et comme tout autre enjeu sécuritaire, doit être érigé au stade de priorité nationale et ce en commençant par le développement du secteur agricole et de la production nationale, et la mise à niveau des circuits de distribution. Le président de la république l’a déjà annoncé lors de plusieurs discours, les autres structures (agriculture, commerce, éducation,….) n’ont qu’à faire leurs travail.
ABOU FARAH





















