Dans chaque publication de résultats, les banques tunisiennes insistent sur le respect des exigences réglementaires fixées par la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Ratios de liquidité (LCR), de solvabilité ou encore Loan-to-Deposit Ratio (LTD) : autant d’indicateurs scrutés et valorisés. Mais si ces ratios traduisent une conformité indispensable, ils ne suffisent pas à dresser un diagnostic complet. L’analyse financière d’une banque ne peut se limiter à ces repères techniques.
Le langage des régulateurs
Les ratios prudentiels imposés par la BCT constituent un socle de solidité. Ils garantissent que les établissements disposent de suffisamment de liquidités à court terme (LCR), de fonds stables à long terme (NSFR), ou encore d’un niveau adéquat de fonds propres pour absorber les pertes (ratio de solvabilité). Respecter ces normes, c’est rassurer le superviseur et les déposants.
Cependant, ces chiffres donnent surtout une photographie réglementaire : ils disent si la banque est dans les clous, mais pas nécessairement si elle est performante, efficace ou compétitive.
Les indicateurs de création de valeur
Une banque peut afficher des ratios conformes tout en présentant des fragilités économiques. C’est pourquoi une véritable analyse doit intégrer des indicateurs complémentaires :
- Le Produit Net Bancaire (PNB) et son évolution, révélateurs de la capacité de la banque à générer des revenus diversifiés.
- Le coefficient d’exploitation (Charges/PNB), qui mesure l’efficacité opérationnelle.
- La rentabilité (ROE, ROA), qui reflète la création de valeur pour les actionnaires et la capacité à mobiliser l’épargne.
- Le coût du risque, indicateur clé de la qualité du portefeuille de crédits.
Ces données permettent de comprendre si la croissance de la banque repose sur des bases solides ou si elle masque des vulnérabilités.
La structure du bilan : l’équilibre à surveiller
L’analyse doit aussi scruter la dynamique du bilan. Une croissance rapide des crédits est positive pour l’économie, mais si elle dépasse trop largement celle des dépôts, la banque s’expose à une dépendance accrue vis-à-vis du refinancement de la Banque Centrale. De même, une trésorerie nette négative ou une augmentation des engagements hors bilan doivent alerter, même si le LCR réglementaire reste au-dessus du seuil exigé.
Autrement dit, respecter les ratios ne signifie pas que tout va bien. L’analyste doit se demander : la croissance est-elle financée par des ressources stables ? La banque diversifie-t-elle suffisamment ses revenus ? Sa rentabilité couvre-t-elle ses risques ?
Le rôle du journaliste économique
Face au discours institutionnel des banques, le journaliste économique doit adopter une lecture indépendante. Il ne s’agit pas de contester la conformité réglementaire, mais de rappeler que ces indicateurs ne disent pas tout. Une trésorerie fragilisée, un déséquilibre crédits/dépôts ou un coefficient d’exploitation élevé peuvent révéler des faiblesses structurelles, invisibles derrière le seul affichage des ratios BCT.
conformité n’est pas performance
En définitive, l’analyse bancaire crédible doit conjuguer deux regards : celui du régulateur, focalisé sur la sécurité du système, et celui de l’analyste, attentif à la rentabilité, à l’efficacité et à la stratégie. Respecter les normes est un prérequis ; créer de la valeur durable est un objectif. Entre les deux, se situe l’espace critique où l’information économique peut éclairer les investisseurs, les clients et l’opinion publique.





















