Après une bonne année 2024, Amen Bank affiche des indicateurs rassurants. Pourtant, derrière la façade, plusieurs signaux appellent à la prudence. Ils concernent la structure des ressources, la qualité et le mix de revenus, ainsi que des risques d’exécution sur la transformation en cours.
1) Coût des ressources encore trop élevé
Le différentiel de coût de la ressource par rapport au TMM s’est amélioré (TMM –1,5 % en 2024 contre –1,1 % en 2020), mais reste moins favorable que la moyenne du secteur (TMM –2,8 %). Cette « pénalité » tient à une structure de dépôts plus chère que la concurrence : les dépôts à terme et assimilés pèsent encore 37,3 % des ressources (au-dessus du secteur \~31 %). Tant que ce mix ne basculera pas davantage vers les dépôts à vue et l’épargne, la banque restera handicapée sur sa marge d’intermédiation.
2) Spread et marge d’intermédiation sous pression
Malgré un taux de sortie des crédits supérieur au marché, le spread ressort à 3,6 % (vs \~4,0 % pour le secteur). Autrement dit, la banque facture bien ses crédits… mais elle paie trop ses ressources. La progression 2024 de la marge d’intérêt (+5,5 %) tient pour partie à un meilleur mix de dépôts l’an dernier ; la trajectoire devra être confirmée alors que la concurrence sur l’épargne se durcit.
3) Dépendance élevée aux revenus de portefeuille-titres
Les revenus tirés des titres représentent 36,6 % du PNB en 2024 (contre 26,6 % au niveau sectoriel). Cette singularité stabilise le compte de résultat quand la courbe des taux est porteuse, mais elle expose aussi le modèle à un aléa de marché (rythme d’émissions souveraines, spreads, liquidité, fiscalité des placements). La prépondérance des titres souverains (plus de 56 % du portefeuille) ajoute une sensibilité macrosouveraine. En S1-2025, la banque a encore accru l’encours de titres d’investissement (+16,2 %), ce qui renforce cet enjeu de concentration.
4) Qualité d’actifs : mieux, mais encore au-dessus des pairs
Le taux de créances classées s’est nettement amélioré (9,6 % fin 2024 contre 14,4 % en 2019) et la couverture atteint 73,3 %. Reste que ce niveau demeure supérieur à celui des autres banques privées cotées (\~7,8 %). Dans un contexte de crédit plus sélectif et de secteurs encore heurtés (certaines industries, services), la vigilance doit rester de mise pour éviter un « effet retour » du coût du risque.
5) Commissions atones et effet change en retrait
Côté revenus hors intérêt, deux alertes : la marge nette sur commissions n’a progressé que de 0,8 % en 2024 (vs +4,9 % pour le secteur) et le résultat de change a reculé (–7,7 %). Ces lignes, normalement plus résilientes et diversifiantes, n’ont pas pleinement joué leur rôle d’amortisseur. La banque devra réaccélérer sur les services (cash management, monétique, bancassurance…) pour alléger la dépendance aux titres.
6) Transformation « NEXT » : un pari à exécuter sans faux-pas
Digitalisation, conformité, paiement (First Pay), finance verte : la feuille de route est ambitieuse. Mais l’exécution reste le vrai risque : rationalisation du réseau, migration IT, IA de conformité, montée en puissance des offres jeunes/TRE, gouvernance des risques sur de nouveaux métiers… Tout retard ou surcoût peut rogner le gain espéré sur le coefficient d’exploitation et reporter la normalisation du coût de ressource.
7) Sensibilités 2025 à surveiller
* Concurrence sur la collecte : si les banques continuent de « payer » l’épargne, la détente espérée du coût des ressources pourrait tarder.
* Cycle des taux : un environnement moins porteur sur les placements pourrait freiner la contribution des titres au PNB.
* Conjoncture locale : l’exposition majoritaire aux titres souverains et un contexte de liquidité parfois tendu accroissent la dépendance aux paramètres macro et réglementaires.
* Mix crédits/placements : en S1-2025, les crédits nets reculent (–1,8 %) tandis que les titres progressent fortement ; utile tactiquement, ce choix ne doit pas s’installer au détriment de l’activité cœur.
Verdict
Amen Bank a fait un vrai travail sur la maîtrise des charges et l’assainissement du risque. Mais pour transformer l’essai, la banque doit : (1) rééquilibrer plus franchement sa base de dépôts vers le non-rémunéré, (2) réduire sa dépendance aux revenus de portefeuille-titresau profit de commissions récurrentes, et (3) exécuter sans dérapage son programme de transformation.
À défaut, la soutenabilité de la rentabilité restera vulnérable aux chocs de marché et à la concurrence sur l’épargne.