La Tunisie enregistre depuis des années un processus de vieillissement de la population qui devient de plus en plus inquiétant sur le plan social, économique, et l’équilibre des caisses sociales. Un phénomène qui rapproche la Tunisie de certains pays européens. A l’occasion de la journée mondiale des personnes âgées nous allons essayer d’analyser la situation actuelle de nos personnes âgées et surtout leur poids et impact économique.
1 million de plus en 10 ans :
Selon les derniers chiffres de l’INS publié suite au recensement général de 2024, les âgés de plus de 60 ans représentent 16.88% de la population. Ils sont aujourd’hui 2.020.772 contre 1.098.500 en 2014, soit plus d’un million de nouveaux vieux en 10 ans. L’indice de vieillissement qui traduit le rapport entre le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans et le nombre des jeunes de moins de 15 ans, est passé de 47 % à 76 % en 10 ans. En Tunisie nous avons plus de femmes âgées (52%) que d’hommes (48%).
Au niveau e la répartition géographique et selon les chiffres de l’INS, la population âgée est concentrée dans trois districts. Le district 2 regroupe 34,4 % de l’ensemble (Tunis, Ariana, Ben Arous, Manouba, Nabeul et Zaghouan). Le moins peuplé de personnes âgées est le district 5 (Médenine, Gabès, Kébili et Tataouine) enregistre la proportion la plus faible (10,1 %).
À l’échelle régionale, les taux les plus élevés se trouvent au Kef (22,3 %), à Jendouba (21,9 %) et à Béja (20,6 %). Les plus faibles concernent Kasserine (13,6 %), Monastir (14,4 %) et Sousse (14,8 %).
Des caisses sociales qui souffrent :
Loin des chiffres qui témoignent clairement d’un vieillissement continue et rapide de la population tunisienne, cette nouvelle donne impose de nouveaux défis, une nouvelle réalité et impose des changements stratégiques dans notre modèle de développement.
D’abord, et comme conséquence directe de ce vieillissement, les caisses sociales vont encore aggraver leurs déficits. Le rapport actif/retraités est en train de se détériorer. Rien que pour la CNRPS, le nombre d’adhérents augmente de 2.5% alors que le nombre de retraités augmente chaque année de 5%. Donc un déficit annuel de 2.5% de retraités à chercher à leur payer leurs retraites.
Le ratio de dépendance des retraités actifs mesure la charge que représentent les retraités sur la population active. En Tunisie, ce ratio s’élevait à 28% en 2025, contre 18% en 2014, et devrait continuer à croître rapidement, atteignant potentiellement 31% en 2031 et 38% en 2041.
A cause de ce vieillissement, le déficit des caisses de retraites CNRPS et la CNSS, devrait dépasser 2,5 milliards de dinars en 2025, contre un déficit de seulement 400 millions de dinars en 2014.
La situation précaire de nos retraités :
Dans certains pays développés les retraités représentent une force économique importante, parce qu’ils de grands consommateurs principalement dans le secteur voyage, santé et bien-être. Or en Tunisie, les personnes âgées et principalement les retraités sont « pauvres » et arrivent à peine à couvrir leurs charges de santé. Selon le Centre de Recherches et d’Etudes Sociales (CRES), la moyenne globale des pensions de retraite en Tunisie était de 419 dinars 2022/2023. Conscient de cette situation, le ministère des affaires sociales avait annoncé l’augmentation des pensions de retraites faible de 180 à 240 dinars et ce depuis le mois de Juillet 2024.
Les retraités représentent une population de 1.2 millions, touchent en moyenne 1240 dinars dans le secteur public et 850 dinars pour le régime CNSS. Selon l’ITES, 39 % des retraités ont un revenu inférieur à 500 dinars; 30 % entre 500 et 1000 dinars; 12,8 % entre 1000 et 1500 dinars. Les retraités en Tunisie vivent une précarité inquiétante ce qui fait qu’ils ne peuvent pas constituer une grande force économique avec un bon pouvoir d’achat. L’augmentation du nombre des personnes âgées est en réalité une augmentation du nombre des personnes précaires, donc ils ont besoin d’aides et d’assistance.
Une assistance qui fait défaut :
Sur un autre plan les personnes âgées en Tunisie ont besoin d’une assistance médicale continue, or nous n’avons pas assez de spécialistes ni d’établissements spécialisés capables d’accueillir nos vieux. Heureusement que récemment le ministère de la santé vient de créer la spécialité gériatrie.
Si nous n’avons pas atteint la situation critique qui sévit actuellement dans les pays européens, la Tunisie se dirige vers « un pays de vieux » à vitesse grand « V ». Une telle situation impose de nouvelles politiques sociales, économiques et sanitaires. Un grand débat national doit être lancé sur cette question afin de trouver les solutions nécessaires et les politiques adéquates.
