Le Code des changes en Tunisie, conçu dans un contexte historique où l’État cherchait à contrôler strictement les flux financiers pour protéger ses réserves et encadrer le commerce extérieur, n’a pratiquement pas évolué depuis plusieurs décennies. Ce dispositif, pensé à une époque de rareté des devises, impose des autorisations multiples pour toute transaction internationale : transferts d’argent, paiement de services, investissement à l’étranger, rapatriement de bénéfices, etc.
Or, dans une économie mondialisée et digitalisée, cette rigidité devient un obstacle majeur. Là où d’autres pays ont opté pour la libéralisation progressive, la Tunisie reste prisonnière d’un système qui décourage aussi bien les investisseurs étrangers que les entrepreneurs locaux.
Blocages pour les entreprises tunisiennes
Difficulté d’importer des services : une start-up tunisienne qui veut acheter un logiciel ou payer un abonnement cloud à l’international se heurte à des procédures bancaires longues, parfois bloquées par la Banque Centrale. Résultat : perte de temps et de compétitivité.
Frein à l’internationalisation : de nombreuses PME souhaitent s’implanter à l’étranger ou ouvrir des filiales, mais le Code rend quasi impossible le transfert légal de fonds pour ces projets.
Découragement de l’innovation : dans l’économie numérique, la rapidité est la clé. Or, les autorisations de transferts de devises prennent parfois plusieurs mois, là où les concurrents étrangers agissent en quelques heures.
Impact sur les investissements étrangers
Le Code des changes effraie également les investisseurs. Un fonds étranger qui souhaite entrer au capital d’une entreprise tunisienne est souvent découragé par l’incertitude quant au rapatriement de ses dividendes. L’investisseur préfère alors se tourner vers le Maroc, l’Égypte ou même le Rwanda, qui ont assoupli leur cadre.
Cette rigidité prive la Tunisie de capitaux indispensables pour moderniser son tissu productif et financer la transition énergétique et numérique.
Une économie parallèle alimentée par le contrôle excessif
Un autre effet pervers est l’encouragement du marché parallèle. Devant la rareté de l’accès légal aux devises, particuliers et entreprises recourent au marché noir pour acheter ou vendre des devises. Cela fragilise encore plus les finances publiques et affaiblit la transparence du système économique.
Conséquences macroéconomiques
Croissance bridée : les entreprises tunisiennes peinent à s’intégrer pleinement dans les chaînes de valeur mondiales.
Perte de compétitivité : les coûts de transaction et les délais administratifs réduisent la capacité d’exportation et d’innovation.
Attractivité dégradée : la Tunisie est classée défavorablement dans plusieurs indicateurs internationaux de compétitivité en raison de ce carcan réglementaire.
Quelles réformes ?
De nombreux experts plaident pour :
Une libéralisation graduelle du régime des changes, en commençant par les opérations liées à l’innovation, à l’éducation et aux services à forte valeur ajoutée.
L’instauration d’un compte capital plus flexible, garantissant la liberté d’investir et de rapatrier des bénéfices, sous réserve de transparence fiscale.
Le développement de mécanismes de contrôle intelligents basés sur le numérique, permettant de concilier ouverture et sécurité.
Le Code des changes, tel qu’il est appliqué aujourd’hui, constitue un frein structurel au développement de la Tunisie. Alors que le pays cherche à attirer des investissements, développer ses exportations et stimuler l’innovation, maintenir un système fermé équivaut à s’auto-handicaper.
La réforme de ce cadre légal ne doit plus être considérée comme une option, mais comme une urgence nationale pour libérer le potentiel de croissance et replacer la Tunisie dans la dynamique mondiale.
Abou Farah





















