Malgré des fragilités structurelles, le rapport de l’agence américaine identifie des tendances positives en 2025
L’économie tunisienne montre enfin quelques signes d’éclaircie. C’est, en substance, ce que révèle le dernier rapport de Standard & Poor’s (S&P), l’une des plus influentes agences mondiales de notation, dans une analyse approfondie de 43 pages publiée cette semaine. Bien que S&P ait suspendu sa notation officielle de la Tunisie depuis 2013, son évaluation actuelle constitue un baromètre précieux, scrutant de près les signaux économiques, financiers et politiques du pays.
🌱 Des indicateurs de reprise économique timide mais réelle
S&P projette une croissance de 1,6 % en 2025 et 2,8 % en 2026, portée notamment par :
la reprise du tourisme, secteur représentant 14 % du PIB, avec une saison estivale 2025 jugée prometteuse,
la bonne tenue du dinar tunisien, qui allège la facture des importations,
la hausse progressive des exportations vers l’Europe du Sud et les voisins nord-africains,
et un redressement partiel de l’agriculture en 2025, après une année 2024 difficile.
Autre signe encourageant : le déficit du compte courant, qui était tombé à 1,8 % du PIB en 2024, devrait rester contenu autour de 3 % en 2025, soutenu par des recettes touristiques solides et une modération des prix internationaux des matières premières.
📉 Inflation en reflux, politique monétaire assouplie
Autre évolution notée : une désinflation graduelle, malgré des pressions persistantes. L’inflation, bien qu’encore ancrée, suit une tendance baissière. Cela a incité la Banque centrale de Tunisie à abaisser son taux directeur à 7,5 % en mars 2025, contre 8 % précédemment, avec de nouvelles baisses possibles si la tendance se confirme.
Le dinard fort vis-à-vis du dollar continue aussi de freiner les pressions inflationnistes sur les produits importés.
💬 Un redressement fragile et dépendant du contexte extérieur
S&P nuance toutefois cet optimisme en soulignant les fragilités profondes de l’économie tunisienne :
Une dépendance excessive aux emprunts auprès de la Banque centrale et de bailleurs souverains, en l’absence de négociation avec le FMI ;
Un secteur public hypertrophié, absorbant à lui seul 50 % du budget, freine les efforts de consolidation ;
Et une faible croissance démographique (0,6 %), aggravée par l’émigration massive des jeunes, limite les perspectives de croissance à long terme.
La Tunisie reste également exposée aux tensions géopolitiques régionales, notamment en cas d’escalade au Moyen-Orient, ce qui pourrait impacter les prix de l’énergie, l’inflation et le tourisme.
🧭 Un cap à trouver : réformes crédibles et diversification du financement
Le rapport appelle à une stratégie claire de désendettement, en dehors des circuits classiques du FMI, mais sans renier l’impératif de réforme. S&P insiste sur la nécessité d’un plan de réformes réaliste et acceptable, notamment pour rationaliser les dépenses publiques, améliorer la gouvernance des entreprises publiques et élargir l’assiette fiscale.
La diversification des sources de financement (notamment auprès du Golfe et de partenaires africains) semble désormais incontournable pour éviter une crise de financement.
i un tournant à saisir
Le rapport de S&P envoie un message nuancé mais porteur d’espoir : la Tunisie n’est pas en faillite, mais elle reste sur une ligne de crête, entre signes encourageants et risques systémiques. La croissance revient lentement, l’inflation s’assagit, le tourisme reprend des couleurs, mais sans une refonte sérieuse des politiques publiques, les fragilités structurelles risquent de l’emporter sur les signaux de relance.
L’année 2025 pourrait donc marquer un tournant pour l’économie tunisienne, à condition que les décideurs sachent conjuguer pragmatisme économique, courage politique et intelligence diplomatique.–