Le 26 mai 2025, Roland-Garros s’est refermé trop tôt pour Ons Jabeur. Battue dès le premier tour par la Polonaise Magdalena Fręch en deux sets secs (7-6, 6-0), la joueuse tunisienne, ancienne numéro 2 mondiale, traverse sans doute l’un des moments les plus complexes de sa carrière. Blessures à répétition, éliminations précoces, déclarations troublantes : la question brûle toutes les lèvres. À 30 ans, Ons Jabeur doit-elle tirer sa révérence ? Ou peut-elle encore écrire une page mémorable de l’histoire du tennis ?
Un corps fatigué, une ambition malmenée
L’année 2024 avait déjà été marquée par une succession de forfaits : une blessure chronique à l’épaule l’avait contrainte à écourter sa saison, la privant de l’US Open et des Jeux Olympiques de Paris. Si son retour à l’Open d’Australie 2025 a été accueilli avec espoir – elle y avait atteint le troisième tour malgré des soucis respiratoires –, la suite s’est avérée plus laborieuse. Quelques bonnes performances à Doha et Abu Dhabi ont laissé croire à un rebond, vite éteint par des revers précoces et un manque flagrant de rythme.
Pour une joueuse fondamentalement attachée au jeu fluide et créatif, les limitations physiques sont un frein majeur. Ses déplacements moins explosifs, son revers moins incisif, sa difficulté à tenir des échanges longs, montrent qu’Ons Jabeur n’a pas encore totalement récupéré son intégrité physique. Et dans le tennis féminin d’élite, cela ne pardonne pas.
Une introspection publique
Au-delà du terrain, c’est une Jabeur plus introspective, plus politique aussi, qui s’est dévoilée ces derniers mois. « Quel est le sens de jouer au tennis quand des enfants meurent ? » déclarait-elle en janvier dernier, en référence aux conflits au Proche-Orient. Elle, l’ambassadrice du sport arabe, la fierté du continent africain, semblait tout à coup remettre en cause le sens même de sa carrière.
Ces propos ont touché, mais aussi inquiété. Loin des routines mécaniques du circuit, Jabeur semblait aspirer à une autre forme d’engagement. Ses déclarations ont relancé les spéculations sur une retraite anticipée, dans un contexte de recul sportif.
Un palmarès historique
Et pourtant, que de chemin parcouru. Première joueuse arabe à remporter un tournoi WTA (Birmingham 2021), finaliste à Wimbledon et à l’US Open (2022), à nouveau finaliste à Wimbledon en 2023, Jabeur a marqué l’histoire. Son style atypique, fait d’amorties, de variations, de créativité et d’émotion, a séduit un large public. Elle a inspiré une génération de jeunes filles en Tunisie, au Maghreb, et bien au-delà.
Sa popularité demeure immense, notamment au Moyen-Orient et en Afrique, où son image dépasse le simple cadre sportif. Elle incarne un modèle, un symbole d’émancipation, de réussite féminine dans des environnements souvent conservateurs.
Une trajectoire sur le déclin ?
Sportivement, cependant, le déclin est réel. En mai 2025, elle n’est plus classée dans le Top 20 mondial. Sa saison reste marquée par une irrégularité chronique, un manque de confiance évident dans les moments clés, et une incapacité à hausser son niveau face aux meilleures. Le tennis est un sport impitoyable : à ce niveau, la moindre baisse de forme ou de concentration se paie au prix fort.
Certains observateurs estiment que le style de Jabeur, très exigeant sur le plan physique et technique, n’est peut-être plus adapté à une génération de joueuses plus puissantes et constantes. D’autres soulignent l’absence d’un coach stabilisé et de stratégie de long terme dans son équipe depuis 2024.
Vers une dernière danse ?
Faut-il pour autant tirer un trait ? Rien n’est moins sûr. À l’instar d’une Serena Williams ou d’une Kim Clijsters, plusieurs championnes ont connu des retours tardifs. Jabeur, encore jeune dans l’absolu (30 ans), pourrait très bien choisir de redéfinir ses objectifs. Elle ne court peut-être plus après la place de numéro 1 mondiale, mais une victoire en Grand Chelem ou une médaille olympique (Los Angeles 2028 ?) resterait une fin magistrale.
Elle-même l’a affirmé : « Je veux quitter ce sport en laissant un dernier message fort. » Ce message passera-t-il par une dernière victoire, ou par un départ symbolique, entourée de son public, au tournoi de Dubaï ou à Roland-Garros en 2026 ? Seule elle détient la réponse.
En conclusion
Ons Jabeur est à la croisée des chemins. Entre la tentation du retrait et le rêve d’un ultime exploit, elle doit composer avec un corps fragilisé, une conscience plus éveillée et un héritage déjà immense. Sa carrière, quel que soit son épilogue, restera celle d’une pionnière. Une joueuse qui a changé l’image du tennis féminin arabe, et qui, même dans le doute, continue d’inspirer.
Clap de fin ? Pas encore. La dernière balle d’Ons Jabeur n’a peut-être pas encore été frappée.