Lors du forum annuel organisé par trois laboratoires de recherche spécialisés en économie et finance durable, le Professeur Abdelfateh El Bouri président de la manifestation a livré un discours percutant, dénonçant l’hypocrisie d’une société qui prône des valeurs éthiques tout en cultivant des contradictions profondes. « L’éthique est avant tout une affaire de société. On ne peut avoir une sphère financière saine dans une société corrompue où les apparences priment », a-t-il martelé, suscitant une réflexion collective sur les paradoxes moraux qui minent les fondements d’une finance véritablement responsable.
Une éthique en trompe-l’œil
Le constat du Professeur El Bouri est sans appel : les comportements individuels et collectifs sapent les principes mêmes de l’équité et de la transparence, pourtant essentiels à une finance éthique. « On prie, mais on oublie nos voisins qui n’ont pas de quoi manger. On jeûne, mais on dénigre nos amis. On part accomplir le Hajj tout en omettant de régler nos dettes… » Ces exemples frappants illustrent un décalage criant entre les valeurs affichées et les actes posés au quotidien.
Dans un contexte où la finance islamique et l’investissement durable gagnent en popularité, cette critique interroge : comment construire un système financier intègre si les pratiques sociales restent marquées par l’opportunisme et le paraître ? Pour El Bouri, la réponse est claire : « Sans une remise en question profonde des mentalités, les régulations financières les plus strictes resteront inefficaces. »
La corruption sociale, poison de la finance
Le discours souligne un mal plus profond : la normalisation de la corruption dans les interactions sociales. Qu’il s’agisse de favoritisme, de détournement de fonds ou simplement de négligence envers les plus vulnérables, ces pratiques alimentent un climat de défiance. Or, une finance éthique ne peut prospérer sans confiance mutuelle et sans responsabilisation de chaque acteur.
« Quand le crédit n’est pas remboursé, quand les engagements ne sont pas honorés, c’est tout l’édifice qui tremble », rappelle El Bouri. Les banques islamiques, par exemple, se veulent alternatives aux systèmes conventionnels, mais si les emprunteurs eux-mêmes contournent leurs obligations, le modèle perd sa raison d’être.
Vers une prise de conscience collective ?
Pour inverser la tendance, le chercheur appelle à un sursaut éducatif et spirituel. « L’éthique ne se décrète pas, elle s’enseigne, se vit et se contrôle. » Les institutions religieuses, les familles et les écoles ont un rôle clé à jouer pour restaurer le sens des responsabilités. Parallèlement, les acteurs financiers doivent renforcer leur pédagogie pour que les produits éthiques ne soient pas perçus comme de simples outils de profit, mais comme des engagements concrets envers la société.
En conclusion, le Professeur El Bouri lance un défi : « Si nous voulons une finance propre, commençons par balayer devant notre porte. » Un message qui résonne comme un appel à l’introspection, bien au-delà des salles de séminaires.
Dans un monde où la performance économique prime souvent sur les valeurs humaines, saurons-nous concilier rentabilité et intégrité ? Le débat reste ouvert.