Déclaration de la Professeure Najet Brahmi à L’Expert
Colloque consacré à la refonte de l’article 96 du Code pénal tunisien – Tunis, 2025
Lors d’un colloque consacré à la refonte de l’article 96 du Code pénal tunisien, placé sous le thème « Vers plus de clarté et de sécurité juridique », la Professeure Najet Brahmi, cheffe du département des sciences criminelles à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis et avocate près la Cour de cassation, a livré une analyse approfondie de la nouvelle mouture de cet article, récemment modifié par la loi n°2025-14 du 28 juillet 2025.
« Je tiens tout d’abord à remercier les organisateurs de cette rencontre pour cette belle invitation qui m’honore à double titre : en tant qu’universitaire et en tant qu’avocate près la Cour de cassation.
En écoutant mon collègue et ami, j’ai constaté que le parcours historique de l’article 96 avait déjà été largement présenté. Je me concentrerai donc sur la version actuelle, modifiée par la loi du 28 juillet 2025, et je la comparerai à l’ancienne.
Le thème proposé Actualité, perspectives et impacts traduit une approche analytique et critique que je m’efforcerai de suivre.
En introduction, il me paraît essentiel de rappeler les intérêts et les enjeux de cette réforme. On parle de refonte du texte, mais faut-il réellement parler de refonte ou plutôt de réforme ? Où situer la frontière entre ces deux notions ?
En tant que juriste, je considère qu’il est impossible d’aborder le droit sans prendre en compte son contexte : la logistique juridique, la sociologie du droit et, au-delà, la dimension humaine du droit.
L’article 96, dans sa nouvelle version, illustre parfaitement cette articulation. Une lecture critique montre que la principale innovation se situe dans la logistique juridique, c’est-à-dire dans la manière même de rédiger la règle de droit.
L’ancienne version, comme l’a rappelé Me Ahmed El-Rouhaimi, ne permettait pas une distinction claire entre hypothèse et solution. Le législateur a donc cherché à corriger ces faiblesses rédactionnelles, améliorant ainsi la cohérence du texte.
Cette évolution intervient dans un contexte marqué par une inflation normative préoccupante. D’ailleurs, le 13 mars 2025, le Chef du gouvernement a publié une note directive appelant les ministres à plus de rigueur avant toute initiative législative, afin de garantir la sécurité juridique et d’éviter la prolifération des textes.
Dans ce cadre, le législateur tunisien s’est inspiré du modèle français, notamment de l’article 425 du Code pénal, en simplifiant la structure et en éliminant les listes de cas. Cette démarche mérite d’être saluée.
Sur le plan sociologique, cette réforme a suscité beaucoup d’attentes. Dès sa promulgation, elle a été perçue comme une transition d’une infraction formelle vers une infraction matérielle et intentionnelle : désormais, aucune condamnation n’est possible sans preuve de mauvaise intention.
Cette évolution a été interprétée par certains comme une réponse implicite à une demande sociale issue du contexte postrévolutionnaire du 14 janvier 2011, visant à rétablir un certain équilibre entre justice et équité.
À ce double titre juridique et sociologique je dirais que la réforme de l’article 96 mérite une très bonne note. Elle traduit un effort de clarification, d’harmonisation et d’humanisation du droit pénal tunisien. »
En conclusion, la Professeure Najet Brahmi a appelé à poursuivre les réformes dans le même esprit de rigueur, de clarté et de rationalité législative, afin de renforcer davantage la sécurité juridique et la confiance des citoyens dans la justice tunisienne.
abidi hanen



















