Le secteur informel occupe aujourd’hui une grande place dans les économies des pays en développement. La Tunisie n’échappe pas à ce phénomène de travail non organisé, non structuré et qui ne suit aucune démarche légale et n’obéit à aucune réglementation ni en matière salariale ni en matière contractuelle et encore moins en matière de couverture sociale, médicale et d’assujettissement aux normes fiscales. Dans le cas particulier de la Tunisie, cette réalité a pris des proportions exponentielles depuis la Révolution et est devenu le refuge pour un grand nombre de chômeurs. La Tunisian Association for Management and Social Stability (TAMSS) a organisé le 26 juin dernier une conférence à Tunis au cours de laquelle elle a présenté les résultats d’une enquête réalisée par à l’informalité dans quelques régions du pays. Le ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, M. Naoufel Jammali a pris à cette conférence où une convention a été signée entre son département ministériel et TAMSS.
« C’est un besoin urgent de comprendre le phénomène de l’informalité en Tunisie. Je crois qu’on est soit initiateur, soit « consommateur » de l’informalité, on est tous concerné, citoyens, entreprises, Etat, et tout le monde joue quelque part un rôle ». Voilà quelques mots prononcés par Mme Chéma GARGOURI, présidente de TAMSS qui décrivent et sonne une fois de plus le glas de ce fléau qui échappe tout contrôle et dont-il faut absolument se pencher dessus. Pratiqué généralement par les hommes âgés de 25 à 54 ans et sans diplôme, un rapport de la Banque mondiale de 2010 montre que le travail informel représente 38 % du produit intérieur brut tunisien et 53% de l’ensemble de l’emploi du pays. Pour le ministre de l’emploi, l’Etat a besoin de la Société civile pour aider à la lutte contre le chômage et trouver des solutions à l’emploi. Par ailleurs, M. Jammali affirme que la convention signée participe à la diversification des partenaires pour lutter et maitriser ce secteur qui paralyse l’économie nationale.
Pour Caleb SHREVE, Directeur de Global Fairness Initiative (GFI) partenaire de TAMSS, l’informalité attire toute cette attention parce que 50% de personnes dans le monde travaillent dans l’informel, soit environ 4 milliards de personnes qui travaillent sans tirer profit de leur travail. « Bien qu’étant des acteurs de l’économie, les personnes travaillant dans l’informel ne peuvent avoir de prêt parce qu’ils ne peuvent donner de garanties », ajoute-t-il. M. SHREVE, spécialiste de l’informel commente également que l’amélioration de l’économie est une question qui se pose dans le monde entier, surtout dans les économies émergentes. A ce titre, une meilleur maîtrise de l’informel contribuerait serait d’un apport indéniable.
Tunisian Inclusive Labor Initiative (TILI)
Afin d’avoir une meilleure mesure et estimation du secteur informel, TAMSS a lancé en 2012 le projet TILI, financé par le Département de l’Etat américain sur 2 ans et qui se déroulera en 3 phases. Il vise à promouvoir les conditions de travail décent dans le secteur informel à travers la création d’un cadre juridique et économique plus inclusif pour les travailleurs informels. Les résultats attendus permettront de comprendre et cerner le secteur informel, de développer des bonnes pratiques en matière de collecte de données, réglementation et gestion du secteur informel. Le projet TILI permettra également d’améliorer les conditions de protection des travailleurs informels et développer de nouvelles politiques pour encourager la formalisation du secteur informel.
Enquête sur l’emploi informel
Cette enquête a été réalisée par TAMSS et des partenaires américains, notamment la Global Fairness Initiative et Partners for Democratic Change, sur un échantillon de 1203 personnes dans les régions de Tunis, El Kef, Kasserine, Gafsa, Sfax et Mednine.
Cette enquête révèle que 37,2% de personnes du secteur informel ont moins de 30 ans, et selon le genre, 33,8% sont des femmes tandis que 66,2% représentent des hommes. Essentiellement, ils ont un niveau primaire (40,2%) et 67,4% des travailleurs informels occupaient des postes de travail à titre occasionnel.
L’enquête révèle aussi que plus de deux tiers (72,442%) des ménages des travailleurs de ce secteur gagnent en moyenne 300 DT par mois
Toujours selon la même enquête, 90n’ont aucune connaissance sur le SMIG, SMAG, les contrats de travail et le droit du travail, 68,6% n’ont aucune information sur les programmes d’emploi et pour terminer, 80% pensent que la situation actuelle en Tunisie est incompréhensible et douteuse, alors que seulement 12% ont confiance en l’avenir. Ils s’inquiètent pour la plupart de la pauvreté, du chômage et de la violence.
Trois questions à Mme Chéma GARGOURI, présidente de TAMSS
Qu’est-ce qui se dégage de la convention que vous avez signée avec le ministère de l’Emploi ?
L’objectif principal est d’accompagner 100 jeunes issues soit de l’informel, soit auto-entrepreneur ou micro-entrepreneur qui opèrent dans l’informel et les amener à transiter de l’informalité vers la formalité.
Comment cela se décline-t-il ?
Dans la réalité, le processus, toutes les procédures juridiques qui devraient se faire, et voir à ce moment là quelles sont les difficultés, si c’est réalisable ou pas avec la législation actuelle… et puis suite à cela nous allons proposer des solutions ou de nouveaux textes de lois.
Compte tenu de tous les partenaires que vous avez déjà, qu’est-ce que vous attendez du gouvernement ?
Il va faciliter la logistique, il va travailler avec nous dans la sélection de ces employés et auto-entrepreneurs dans l’informalité, il va aussi prendre en charge la formation et l’accompagnement de ces jeunes, ce qui donne beaucoup plus de crédibilité à notre activité. On a besoin de ce partenariat et de cette assistance
Rencontre avec M. Ahmed HAMZA, coordonnateur du programme WES à la TAMSS
« Notre objectif d’ici mars 2014 est de former 1500 femmes »
TAMSS comporte en son sein de centres dédiés à de formations spécifiques. Entre autres, au peut citer le centre WES (Women’s Enterprise for Sustainability), Entreprises féminines durables. L’Expert a rencontré M. Ahmed HAMZA, Coordonnateur dudit programme pour en savoir plus.
Pouvez-vous nous dire deux à propos de ce programme ?
C’est un programme financé par le département américain MEPI (Middle East Partnership Initiative) géré à San Francisco par l’Institut international de l’éducation. Ce projet à deux axes principaux, le renforcement des capacités des associations gérées par des femmes ou qui visent des femmes, en leur offrant des formations de formateurs à leurs staffs, tout ce qui est business planning pour la durabilité de leur association, les réseaux sociaux pour les femmes entrepreneurs, leadership, entrepreneuriat, e-commerce et projet à domicile. Suite à cela, on leur octroie un fond pour qu’elles ouvrent une entreprise sociale dans leur association.
Et le deuxième volet du programme ?
Suite à l’installation des entreprises sociales des associations, elles vont cibler des femmes entrepreneures, des femmes qui ont des idées de projet ou des femmes qui veulent juste venir faire une formation. Ces formations sont payantes, mais lorsqu’elles vont au centre, elles ont tout un package de services où il y a la formation, le suivi pré et post lancement de projet avec une équipe d’experts qui est offert gratuitement par nos centres et entreprises sociales.
Avez-vous des critères pour choisir des projets ou n’importe qu’elle projet est le bienvenu ?
Nous n’avons pas de critères bien déterminés. Toute femme qui a une idée de projet ou qui n’en a pas et veut venir s’inspirée avec d’autres femmes et lancée son idée, ou encore se lancer avec d’autres femmes et lancer ensemble une joint-venture.
Pouvez-vous nous citer quelques projets ?
Les projets varient entre l’artisanat, la chocolaterie, même à l’industrie avec le recyclage de plastiques et de pneus. On dispose de différentes catégories de petits et micro-projets.
A ce jour, combien de projets avez-vous déjà recensés ?
Notre objectif d’ici mars 2014 est de former 1500 femmes, et que 30% de ces femmes lancent ou font une extension de leurs projets, et à ce jour nous avons atteint 500 femmes pour ce qui est des formations. 500 femmes différentes, parce qu’il y en a qui se lancent dans de double formation. Nous avons commencé les formations en novembre dernier, mais les projets et l’installation ont commencé en juin 2012. Nous avons atteints les 40 projets lancés, et 60 qui ont fait une extension. Nous espérons doubler les chiffres à la fin de cette année.
Par Raoul FONE