جريدة الخبير

Les banques peuvent-elles combler la baisse du pouvoir d’achat ?

Entre 2021 et 2023 le tunisien a perdu près de 35% de son pouvoir d’achat. Avec une inflation dépassant 9% depuis des mois, et des revenus en nette baisse, le pouvoir d’achat ne peut que subir une baisse conséquente. Afin de subvenir à ses besoins les plus élémentaires, le consommateur tunisien n’a aucune autre solution que la banque. Les chiffres les plus actuels sur l’endettement des ménages auprès des banques confirment que les banques et les consommateurs ont atteint leurs limites pour plus d’endettement. Comment combler la perte en pouvoir d’achat ?
 
28601 MD de crédits aux ménages :
Personne ne peut nier la baisse du pouvoir d’achat des tunisiens au cours des dernières années. Les chiffres officiels et non-officiels confirment cette tendance. Le taux de pauvreté en Tunisie est passé de 15.5% en 2015 à 16.2% en 2021, selon les chiffres de l’INS. Tout en sachant qu’est considéré pauvre celui dont les dépenses de consommation sont inférieures à 2563 dinars. La pandémie du Covid, les aléas climatiques et la conjoncture mondiale y sont pour quelque chose.
Cette dégradation du pouvoir d’achat se manifeste principalement à travers la baisse du rythme de la consommation privée. Selon les chiffres de l’ITCEQ, la consommation privée a augmenté à un rythme de 7.2% durant la période 2011-2022. Une consommation freinée aussi par une inflation galopante. L’indice des prix à la consommation calculé par l’INS ne reflète malheureusement pas la réalité du quotidien des tunisiens et ne traduit pas la hausse vertigineuse des prix de certains produits ou services. Certains analystes avancent une inflation à deux chiffres variant entre 12 et 20%.
Afin de subvenir aux besoins les plus élémentaires et combler la perte de pouvoir d’achat, et la hausse continue des prix, les ménages tunisiens, qui le peuvent, ont toujours recours aux banques ou aux caisses sociales.
Au mois de Mars 2024, l’encours des crédits accordés aux particuliers par les banques a atteint 28601 MD, contre 28661 MD au mois de Décembre 2023 et 28682 MD au mois de Février 2023. Les logements occupent la première place avec 12882 MD, l’aménagement d’un logement 10610 MD. Pour les crédits à la consommation ils ont totalisé 4713 MD.
Entre Mars 2023 et Mars 2024, l’encours des crédits octroyés par les banques aux particuliers n’a augmenté que de 2.3%. Un niveau très bas, justifié par plusieurs arguments :
  • Les banques adoptent une politique restrictive pour les crédits aux ménages,
  • La saturation de la capacité d’endettement d’une grande partie des ménages tunisiens,
  • La hausse importante des taux d’intérêt et l’augmentation des couts d’emprunt.
La situation des ménages risque de s’empirer encore surtout à la lumière d’un taux de croissance de 0.4% enregistré en 2023 et qui ne permet pas la création de la richesse. Le taux de chômage est aussi stable au niveau de 16.2%, avec un taux de 23.4% au niveau des diplômés du supérieur.
Le taux d’endettement des ménages tunisiens a atteint en 2022, plus de 32%. Selon une enquête réalisée par l’INC, 43% des ménages tunisiens ont au moins un membre de la famille qui est endetté, et 60% ont systématiquement ou souvent recours au « rouge ».  Quant à la classe moyenne, elle est en nette régression passant de 84% en 1984 à moins 50% en 2022. Autant de chiffres et indices qui traduisent une réalité difficiles d’une grande partie des ménages tunisiens, avec des perspectives négatives.
Les banques ne sont pas une association sociale :
Le chef d’agence d’une banque est constamment sollicité par les clients, surtout, les fonctionnaires, pour leur accorder une facilité de caisse ou un crédit. Les comptes courants débiteurs ont atteint un chiffre historique à fin Novembre 2023 atteignant 9.3 milliards de dinars. Or un chef d’agence, ou un banquier, est avant tout un responsable de l’argent des épargnants et investisseurs, et qui doit le fructifier. Dans les paramètres d’octroi des crédits aux ménages qui le demandent, il n’a que des notions de : capacité d’endettement, de solvabilité, de revenus stables, et d’incidents de paiements. C’est sur cette base qu’il accorde ou non une facilité de caisse ou un crédit. Autrement dit, il n’est pas un enfant de cœur. C’est dans cette optique que les banques tunisiennes ne peuvent en aucun cas combler la perte de pouvoir d’achat des tunisiens.
D’autres parts, les banques sont aussi sollicitées par les entreprises et les PME, qui subissent de plein fouet la crise économique nationale et internationale, et ont constamment besoin de financements. En effet, l’encours des crédits octroyés par les banques aux entreprises est passé de 73147 MD en 2021 à 83818 MD en 2022. La part de l’encours des crédits aux particuliers dans l’encours global à l’économie a continué à baisser revenant de 26,1% à 25,7% puis à 24,9% au cours des trois dernières années.
L’autre client des banques et qui est venu ces dernières années rafler toute la mise est incontestablement l’Etat. L’encours des bons de trésor a atteint 24016 MD au mois d’Octobre 2023, contre 22550 MD une année auparavant.
Les banques perdent beaucoup de liquidités et ne sont pas parfois capables de répondre aux demandes des clients même pour de petits montants.
Afin de remédier à la détérioration du pouvoir d’achat des tunisiens et l’assèchement du crédit, l’Etat doit établir une véritable stratégie nationale qui intègre l’amélioration des services publics et la hausse des revenus ainsi que le développement de la croissance économique. Une conférence nationale sur le pouvoir d’achat s’impose à l’ouverture du prochain mandat présidentiel.
Abou farah
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