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L’Économie Circulaire: un levier de croissance économique, un moyen d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales

Origines et définition du concept
Les premières évocations de l’économie circulaire remontent au rapport “The limits to growth”, réalisé en 1972 par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT).
Selon les Nations Unies : “L’économie circulaire est un système de production, d’échanges et de partage permettant le progrès social, la préservation du capital naturel et le développement économique”.
L’économie circulaire: un nouveau modèle économique en faveur du développement durable
Malgré le fait que le concept d’économie circulaire ne soit pas très bien connu , précisons que l’économie circulaire n’est pas un secteur à part; c’est un mode de production et de consommation, un modèle économique auquel on doit impérativement transiter.
Hérité de la révolution industrielle notre modèle économique actuel est fondé sur une chaîne de valeur linéaire : extraire des ressources, fabriquer des produits, les vendre, les consommer puis les jeter. Un tel système ne peut être durable dans le temps, car source de gaspillage, de pollution, de la diminution des ressources, et de production massive de déchets.
Le développement du modèle de l’économie circulaire est devenu une nécessité et n’est plus une option. Des pressions importantes s’exercent en faveur de l’émergence de ce nouveau modèle économique; dont la raréfaction des ressources. En effet, à côté des énergies fossiles qui s’épuisent, les sols agricoles s’appauvrissent, comme l’a montré la crise alimentaire mondiale de 2008. On estime au niveau mondial à 44 milliards de dollars le coût annuel lié à l’appauvrissement, des sols agricoles, et au recul des terres arables.
Caractéristiques de l’économie circulaire
Les valeurs de l’économie circulaire correspondent aux trois axes du développement durable, à savoir apporter des réponses environnementales, économiques et sociales.
L’économie circulaire envisage différemment toute la chaîne de valeur. A la différence de l’économie linéaire traditionnelle, elle privilégie les processus de production durables et écologiques. Ce nouveau modèle économique a pour objectif de limiter l’impact des activités humaines sur l’environnement et donc “l’empreinte écologique”. Afin d’atteindre ces objectifs, l’économie circulaire se base sur un modèle en boucle destiné à valoriser les matières premières et les énergies, durant tout le cycle de vie d’un produit dans une logique circulaire jusqu’à son élimination finale.
L’économie circulaire est un modèle de production et de consommation qui consiste à partager, réutiliser, réparer, rénover et recycler les produits et les matériaux existants le plus longtemps possible afin qu’ils conservent leur valeur. De cette façon, le cycle de vie des produits est allongé dans le but de réduire l’utilisation de matières premières et la production de déchets.
Une loi sur l’économie circulaire en Tunisie pour une meilleure intégration dans les CVM
Le cadre réglementaire est important pour que le modèle d’économie circulaire puisse être développé. Cette loi est plus que nécessaire car va inciter les jeunes à monter des projets dans ce domaine, et va permettre, le développement des chaines de valeur circulaires d’approvisionnement , de recyclage et de gestion des déchets. L’absence d’une telle loi est d’autant plus incompréhensible que la Tunisie est signataire de : la Convention sur la diversité biologique, la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification ; La Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) , du Protocole de Kyoto*, et de la COP21* ; produit annuellement ses NDC, ……Si la Tunisie ne promulgue pas cette loi, cela signifie qu’elle n’a pas l’intention d’intégrer les chaînes de valeur circulaires mondiales ; et qu’elle veut rester à la marge de la modernité. Aujourd’hui la circularité est une devise pour le développement durable et l’intégration des chaînes d’approvisionnement mondiales de plus en plus circulaires. Ajouté à cela la Tunisie a promulgué la loi sur l’ESS un acteur essentiel de l’EC et qui a été un véritable laboratoire pour ce nouveau modèle économique dans les Pays Développés. Il y a en effet une proximité évidente des codes génétiques de L’ESS et de l’économie circulaire : une échelle territoriale et la prise en compte de l’impact environnemental et social de l’activité économique.
*Le protocole de Kyoto pour la conception de la (CCNUCC) a été adopté le 11 décembre 1997 à Kyoto, au Japon. L’objectif était de ralentir le changement climatique en prenant des mesures de protection climatique. Il est entré en vigueur en 2005 et a été remplacé en 2021 par l’Accord de Paris.
* Officiellement, « COP 29 » signifie la 29ème session de la Conférence des Parties (COP) à la (CCNUCC), organisée à Bakou, en Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre 2024.
Quand on voit les avancées faites dans le monde entier depuis l’an 2000, on comprend vite que nous sommes très en retard.
En février 2021, le Parlement Européen a adopté une résolution pour parvenir à une économie neutre en carbone, entièrement circulaire d’ici 2050.
Le concept d’économie circulaire a été introduit en France par la loi de transition énergétique du 18 août 2015, qui reconnait officiellement ce nouveau modèle économique comme l’un des objectifs de la transition énergétique.
La France s’est dotée d’une nouvelle instance chargée de défendre ce modèle au plus haut niveau de l’État. Il s’agit du “Conseil National de l’Économie circulaire”.
Le Japon s’est doté dès 2000 d’une loi pour la formation d’une société basée sur le recyclage,
La Chine a promulgué en 2008 une loi de promotion de l’économie circulaire.
L’Office québécois de la langue française a rendu disponible un Lexique de 120 concepts et vocabulaire de l’économie circulaire intitulé «Entrer dans la ronde».
Il faut comprendre que pour passer à l’économie circulaire il faut faire le pari du progrès technologique
et des innovations au niveau des procédés de fabrication des techniques de production, des chaines de valeurs inverses, de filières de logistique inverse, pour collecter et valoriser de manière optimale les volumes de fin de cycle considérables générés par l’économie circulaire. Cela nécessite qu’une plus grande part du budget soit allouée à la R&D, et que l’État change d’attitude à l’égard des ingénieurs et des écoles d’ingénieurs.
Où est la politique monétaire en faveur de la circularité ?
Si réellement nous voulons assurer la transition vers l’économie circulaire, nous devons adapter la politique monétaire dont le rôle ne doit pas se limiter à faire varier le taux d’intérêt , mais à orienter l’économie vers le modèle circulaire soit en soumettant le refinancement des banques à un certain pourcentage de crédits circulaires ou en accordant ces crédits à des taux préférentiels, ou alors en réformant le système de financement de l’économie Tunisienne, pour instaurer le financement solidaire et participatif car l’actuel système financier ne pourra jamais gagner le pari de la circularité.
L’économie circulaire : un levier de croissance économique
Aller vers une économie circulaire présente de nombreux bienfaits notamment pour l’environnement. En effet, le prélèvement des ressources naturelles diminue lorsque la durée de vie des biens et des produits devient plus longue.
Les impacts économiques d’un modèle basé sur l’économie circulaire sont nombreux :
 favorise la croissance économique , grâce aux nouvelles activités générées par un modèle circulaire de fabrication.
 Crée de nouvelles opportunités en matière d’emploi. En effet la valorisation des matières résiduelles issues des produits en fin de vie, crée de nouvelles activités qui nécessiteront des compétences et de la main-d’œuvre.
 Concevoir et fabriquer des produits plus efficaces et durables contribue à réduire la consommation d’énergie et des ressources. On estime, d’ailleurs que + de 80 % de l’impact environnemental d’un produit est déterminé lors de sa phase de conception.
 empêche la perte de la biodiversité et des écosystèmes.
Fonctionnement de l’économie circulaire : 7 piliers et 3 domaines
L’économie circulaire repose sur 7 piliers dans les 3 domaines : la production, la consommation et la gestion des déchets.
• L’achat durable, principe privilégiant l’achat des produits et des services dont la fabrication et l’exploitation impliquent une extraction responsable et efficace des ressources naturelles. Par exemple, Ikea a mis en place une politique d’achat durable qui comprend l’utilisation de sources d’énergie renouvelable et la réduction des déchets.
• L’écoconception instaure la création de produits avec une plus longue durée de vie, promouvant ainsi leur réparation puis leur recyclage. L’écoconception est source d’innovations et de création de produits durables.
• L’écologie industrielle et territoriale (EIT) : Elle se concrétise par la mise en commun volontaire de ressources par des acteurs économiques d’un territoire : partage d’infrastructures, d’équipements et de services.
• L’économie de la fonctionnalité (ou d’usage): Exemple : on vend un service de co-voiturage plutôt que de vendre une voiture. Xerox offre à sa clientèle la location d’imprimantes et le paiement par page imprimée.
• Une durée d’usage allongée: Les consommateurs allongent la durée d’usage des produits grâce au recours à la remise à neuf, à la réparation, ou à l’achat de produits de seconde main (réemploi).
• La consommation responsable. Un exemple avec un seul produit : le jean Infini de 1083. En 2020, le gouvernement Français a adopté la « Loi Pacte » qui encourage les entreprises à prendre en compte des critères sociaux et environnementaux lors des achats.
• Le recyclage, avec comme objectif l’utilisation de matières premières provenant de déchets. Exemples de diverses inventions intégrant le concept « zéro déchet ». Nzambi Matee, a fondé en 2021 une entreprise au Kenya qui transforme le plastique en briques qui sont 5 fois plus résistantes que le béton. Ennesys, une start-up de Nanterre recycle des ordures organiques et dépollue les eaux usées pour produire de l’énergie
Afin que ce modèle économique vertueux, puisse fonctionner l’économie circulaire doit reposer sur 3 axes principaux :
 Éduquer les consommateurs pour que leurs achats soient toujours responsables. Ils doivent désormais, privilégier des produits et des services certifiés par un label environnemental.
 Inciter les fabricants et les producteurs à mettre en place de nouveaux procédés dans la conception de leurs produits . L’écoconception
 Trouver des solutions efficaces en matière de gestion de déchets, en donnant la priorité au recyclage.
L’économie circulaire en Tunisie
La Contribution déterminée nationale (CDN) de 2021 indique des engagements importants pour le secteur des déchets, comme la réduction de 60% du taux de mise en décharge contrôlée d’ici à 2035.
La Tunisie a accueilli du 23 au 25 septembre 2024 le Forum régional des (CDN 3.0) de la région(MENA).
Le ministère de l’Environnement a pour objectif d’atteindre le zéro déchet d’ici 2050, un objectif qui semble « difficile à atteindre » dans un pays qui produit 2,8 millions de tonnes de déchets par an.
Selon la Banque Mondiale (2019), la mise en œuvre d’une économie circulaire en Tunisie pourrait créer près de 100 000 nouveaux emplois et générer 0,8% de croissance du PIB.
Le bureau de la GIZ * à Tunis, a entrepris, en 2020, en collaboration avec le MALE et l’ANGed, la mise en œuvre d’un nouveau projet qui lie l’économie circulaire à la lutte contre les changements climatiques. Il s’agit du projet “Protection du Climat à travers l’économie circulaire en Tunisie”, intitulé “ProtecT”.
*La (GIZ) est l’agence de coopération internationale allemande pour le développement. Elle siège à Bonn. Elle a été fondée le 1er janvier 2011 par fusion de trois agences de développement allemandes. Elle est particulièrement active en Amérique du Sud et en Afrique.
Habiba Nasraoui Ben Mrad
Docteure en Sciences économiques; chercheure et enseignante universitaire
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