Par Mohamed Salah Frad Directeur Général chez United Gulf Financial Services- North Africa |
Stratégie d’entreprise 29 janvier 2025 Le football tunisien, véritable passion nationale, traverse une crise financière profonde. Cette situation met en péril la pérennité de nos clubs et compromet leur compétitivité, tant au niveau national qu’international. À l’heure des élections pour le renouvellement du bureau de la Fédération Tunisienne de Football, une analyse financière approfondie s’impose pour poser les bases d’une réforme durable. Quelques chiffres clés révélateurs La Tunisie est classée 52ᵉ au classement FIFA et 9ᵉ en Afrique, bien derrière le Maroc (14ᵉ mondial, 1ᵉ en Afrique), l’Égypte (33ᵉ mondial, 3ᵉ en Afrique) et l’Algérie (37ᵉ mondial, 4ᵉ en Afrique). La valeur marchande du championnat tunisien est estimée à environ 165 millions de dinars tunisiens, représentant 57 % de la valeur du championnat algérien (290 millions de dinars), 42 % de celle du championnat marocain (395 millions de dinars) et 33 % de celle du championnat égyptien (500 millions de dinars). Les budgets annuels cumulés des clubs tunisiens atteignent 335 millions de dinars, soit 33 % du budget total des clubs égyptiens (1 milliard de dinars), 49 % de celui des clubs marocains (680 millions de dinars) et 64 % de celui des clubs algériens (520 millions de dinars). Ces écarts illustrent les défis majeurs que doit relever le football tunisien pour rester compétitif. Un diagnostic financier alarmant La dépendance excessive aux subventions publiques fragilise les finances des clubs tunisiens et les rend vulnérables aux fluctuations budgétaires. Plus de 50 % des budgets des clubs sont consacrés aux salaires des joueurs, souvent sans véritable retour sur investissement, ce qui alourdit les charges financières des équipes sans garantir une amélioration de la compétitivité. L’endettement croissant, couplé à l’absence de plans de remboursement viables, compromet leur stabilité à long terme. De plus, le manque de transparence dans la gestion des budgets accentue les risques de mauvaise administration et limite la capacité des clubs à attirer des investisseurs. La dépendance excessive aux subventions publiques fragilise les finances des clubs tunisiens et les rend vulnérables aux fluctuations budgétaires. L’endettement croissant, couplé à l’absence de plans de remboursement viables, compromet leur stabilité à long terme. De plus, le manque de transparence dans la gestion des budgets accentue les risques de mauvaise administration et limite la capacité des clubs à attirer des investisseurs. Vers une restructuration financière durable L’amélioration de la situation financière des clubs passe par plusieurs leviers. La diversification des sources de revenus constitue une première étape essentielle. L’introduction en bourse, comme envisagée par l’Espérance Sportive de Tunis, pourrait inspirer d’autres clubs à suivre cette voie. Le développement des centres de formation permettrait non seulement d’optimiser la détection et la valorisation des talents, mais aussi de générer des revenus via les transferts de joueurs. L’exploitation des infrastructures sportives pour des activités commerciales et événementielles offrirait une source de financement complémentaire. La modernisation du merchandising et la maximisation des droits médiatiques sont également des pistes à explorer pour augmenter les revenus. Enfin, le renforcement des partenariats avec des entreprises locales et internationales permettrait de diversifier les apports financiers. Des modèles de réussite inspirants Certains clubs tunisiens ont déjà amorcé des stratégies efficaces. L’Espérance Sportive de Tunis prépare son introduction en bourse pour stabiliser ses finances. Le Club Sportif Sfaxien a mis en place l’association Socios, impliquant activement les supporters dans le financement du club. L’Étoile Sportive du Sahel s’est tournée vers une stratégie de communication renforcée et une ouverture sur son environnement local pour consolider ses partenariats. Le Club Africain a lancé un PFE Book destiné aux étudiants et chercheurs, intégrant l’innovation dans son modèle économique. La JSK et Chebba ont, quant à elles, réussi à mobiliser des financements alternatifs via des campagnes de crowdfunding. D’autres clubs ont fait de la formation des talents, aussi bien locaux qu’internationaux, un modèle économique viable. L’Olympique de Béja et l’US Monastir ont su détecter et valoriser les talents locaux, transformant la formation en véritable levier financier grâce aux transferts des joueurs vers des championnats plus rémunérateurs. Une solution innovante : un marché des transferts moderne et transparent Un des leviers les plus sous-exploités en Tunisie est la structuration d’un marché des transferts plus fluide et plus équitable. La mise en place d’une plateforme centralisée permettrait de suivre en temps réel les transactions et de garantir une meilleure transparence. Une valorisation plus juste des joueurs pourrait être assurée par des algorithmes prenant en compte leur performance, leur âge et la demande du marché. La protection des joueurs et des clubs devrait être renforcée par des contrats standardisés garantissant une transparence totale des transactions et évitant les abus. De plus, l’instauration d’un cadre réglementaire clair permettrait d’encourager les investissements dans la formation des jeunes talents, en assurant que les clubs formateurs bénéficient financièrement des transferts futurs de leurs joueurs. Que doit faire le nouveau bureau fédéral face à ces défis ? Un nouveau bureau fédéral est désormais en place, offrant une opportunité unique d’amorcer des réformes et de redresser la situation financière du football tunisien. Une des actions prioritaires est la mise en place d’une commission financière chargée de travailler sur la gestion des clubs, de réaliser des audits et de former les dirigeants pour assurer une administration plus efficace et transparente. Un service marketing dédié doit être instauré afin d’améliorer l’image du championnat tunisien et son branding, dans le but d’attirer davantage d’annonceurs et de sponsors. L’instauration d’un marché des échanges entre clubs constitue une autre mesure urgente. Cette plateforme permettrait de fluidifier les transferts et d’assurer une valorisation juste des joueurs tout en protégeant les clubs et les joueurs. Il n’est pas nécessaire de modifier les lois en vigueur, mais il est impératif d’obtenir l’engagement des clubs en signant un code de conduite et en établissant un règlement intérieur clair, garantissant des pratiques équitables et transparentes dans le marché des transferts. Le nouveau bureau fédéral doit agir rapidement et avec détermination pour redresser la situation financière du football tunisien. Il devra imposer une gouvernance financière rigoureuse en instaurant des audits annuels obligatoires et en imposant des règles de transparence budgétaire aux clubs. La diversification des revenus doit être une priorité, notamment en favorisant les introductions en bourse, en soutenant la professionnalisation des centres de formation et en encourageant les clubs à exploiter leurs infrastructures pour des activités commerciales. L’instauration d’un marché des transferts plus structuré est également essentielle. La Fédération devrait créer une plateforme centralisée permettant de suivre et réguler les transferts de manière plus transparente, tout en protégeant les intérêts des joueurs et des clubs. Par ailleurs, elle devra veiller à ce que les clubs formateurs bénéficient équitablement des plus-values générées par les ventes de joueurs, notamment en intégrant des clauses de redistribution adaptées. Un autre levier stratégique sera le développement de partenariats avec des investisseurs privés et des entreprises locales et internationales, qui pourront contribuer à l’essor économique des clubs. Enfin, la Fédération doit encourager la modernisation des droits médiatiques et du merchandising pour maximiser les revenus liés à l’image du football tunisien. Conclusion La restructuration financière des clubs de football en Tunisie est une nécessité urgente. L’écart croissant avec nos voisins régionaux souligne l’urgence d’une réforme en profondeur. Avec une gouvernance responsable et des réformes audacieuses, il est possible de restaurer la compétitivité du football tunisien tout en assurant sa viabilité économique. Les élections à la Fédération Tunisienne de Football offrent une opportunité unique pour amorcer ces changements. Le développement du football tunisien passe par une approche structurée et des décisions stratégiques fortes. Ensemble, engageons-nous à redonner au football tunisien sa place de leader en Afrique du Nord.