Dans un statut publié récemment, le Dr. Raoudha Gafrache a attiré l’attention sur la gravité de la situation hydrique en Tunisie, soulignant l’urgence de repenser la gestion de nos ressources en eau. À la lumière de ses observations, il est essentiel d’analyser la situation actuelle des eaux de surface pour mieux comprendre les défis auxquels le pays est confronté et envisager des solutions adaptées.
Analyse de la situation
Parmi les 36 barrages actuellement en exploitation, 12 disposent d’un volume d’eau nul, soit zéro million de mètres cubes disponibles pour l’exploitation. L’exploitation inclut l’usage domestique (eau potable, industrie et tourisme), l’irrigation, ainsi que les pertes liées aux fuites et à l’évaporation, ces deux derniers étant inévitables.
Ces 12 barrages, représentant un tiers des infrastructures, se répartissent géographiquement comme suit :
- Nord : Barrages de Tine, Melah, Ghezala et Rmil.
- Centre : Barrages d’El Houareb, Sficifa, Sidi Yaich et El Brek.
- Cap Bon : Barrages de Bizirk, Chiba, Lenna et Hma.
Au 1er janvier 2025, le volume d’eau exploitable ne représente que 55 % (295 Mm³) du stock total, estimé à 540 Mm³. Toutefois, seulement 260 Mm³ pourront être destinés à l’alimentation en eau potable.
Évolution des stocks
- 1er septembre 2024 : Les réserves totales étaient de 542 Mm³.
- 1er janvier 2025 : Après des apports de 234 Mm³, les stocks se situent à 540 Mm³. Cela indique une exploitation moyenne quotidienne de 1,9 Mm³/jour.
Comparaison historique
Depuis 2007, où les barrages détenaient 1 459 Mm³ d’eau au 1er janvier, le stock de 2025 est le plus faible jamais enregistré, inférieur même à celui des années 2017 et 2018, considérées comme des années de sécheresse.
Sécheresses répétées et impacts climatiques
Les sécheresses pluviométriques des dernières années ont causé des déficits hydrologiques marqués. Les apports entre le 1er septembre et le 1er janvier ont enregistré des déficits de :
- 79 % en 2023,
- 62 % en 2024,
- 55,4 % en 2025.
L’augmentation des températures a également exacerbé la situation, entraînant une évaporation accrue, des besoins d’exploitation plus élevés et une dessiccation accélérée des sols. Voici les écarts des températures moyennes estivales par rapport à la normale :
- Été 2021 : +2,2 °C,
- Été 2022 : +2,0 °C,
- Été 2023 : +1,5 °C,
- Été 2024 : +1,5 °C, accompagné d’un déficit pluviométrique de 50 %.
En outre, la température moyenne d’octobre 2024 a dépassé la normale de 2,1 °C.
Nécessité d’un changement stratégique
Face à ces constats alarmants, il est impératif de revoir la gestion des eaux de surface. Cela inclut :
- Une nouvelle politique agricole et un modèle de consommation plus rationnel, évitant pertes et gaspillages, notamment dans le secteur alimentaire.
- L’établissement de conventions internationales pour la gestion des eaux souterraines et de surface partagées avec les pays voisins.
- Une politique renforcée de protection des ressources souterraines, qui constituent le dernier stock stratégique d’eau douce.
Ce réajustement s’impose pour garantir la durabilité des ressources en eau face aux défis climatiques et hydrologiques croissants.