Le gouvernement tunisien a construit son budget 2025 sur la base d’un baril de pétrole à 70 dollars. Or, depuis début mai, les cours oscillent entre 60 et 64 dollars, bien en deçà des prévisions. Cette baisse inattendue pourrait bien offrir à l’économie tunisienne un précieux bol d’air. Décryptage.
🛢️ Une facture énergétique en baisse : une aubaine pour la balance commerciale
La Tunisie, importatrice nette d’énergie, consacre une part importante de ses devises à l’achat de pétrole et de gaz naturel. En 2024, les importations énergétiques ont représenté plus de 20 % du total des importations. La baisse actuelle du cours du pétrole permet donc :
Une réduction mécanique de la facture énergétique nationale,
Une amélioration du déficit courant, qui pèse lourdement sur la balance des paiements,
Une stabilisation du dinar, en allégeant la pression sur les réserves en devises.
📉 Chaque baisse de 10 dollars du baril pourrait faire économiser à la Tunisie entre 400 et 600 millions de dinars par an.
🧾 Allègement budgétaire : vers une meilleure gestion des subventions
Dans le cadre du budget 2025, l’État avait anticipé une dépense de compensation fondée sur un baril à 70 $. Avec des prix plus bas :
Les besoins en subventions des produits énergétiques diminuent,
L’État pourrait réduire son déficit budgétaire (estimé à plus de 6 % du PIB en 2024),
Ou réorienter les ressources vers des dépenses de développement (infrastructures, emploi, santé).
Ce rééquilibrage budgétaire pourrait aussi renforcer la position de la Tunisie dans ses négociations avec le FMI, en montrant des signaux de discipline fiscale.
🏭 Des coûts de production allégés : un coup de pouce pour les entreprises
Le secteur privé tunisien, notamment les industries et le transport, dépend fortement des énergies fossiles. Une baisse durable des prix du pétrole entraîne :
Une réduction des charges logistiques et industrielles,
Une amélioration de la compétitivité à l’export,
Une accélération des investissements dans des secteurs sensibles à l’énergie, comme l’agroalimentaire ou le textile.
🏗️ Cela pourrait aussi encourager la reprise de l’investissement productif, en berne depuis plusieurs années.
🛍️ Un regain de consommation intérieure
La baisse des prix des carburants, s’ils sont partiellement répercutés, et des produits dérivés du pétrole (plastiques, engrais, transport), peut :
Soutenir le pouvoir d’achat des ménages,
Stimuler la consommation, qui représente plus de 60 % du PIB tunisien,
Redonner confiance aux acteurs économiques.
🌍 Un environnement macroéconomique plus stable
En additionnant les effets sur le commerce extérieur, le budget et la consommation :
L’inflation (actuellement autour de 7 %) pourrait être contenue ou légèrement atténuée,
Le pays gagnerait en stabilité monétaire,
Les agences de notation et les investisseurs internationaux pourraient revoir leurs perspectives de risque sur la Tunisie.
⚠️ À court terme, oui… mais prudence sur le long terme
Il faut toutefois rester prudent :
Une baisse du prix du pétrole est souvent volatile et dépendante du contexte géopolitique (guerre en Ukraine, tension au Moyen-Orient),
Les recettes fiscales sur les carburants pourraient baisser, réduisant les marges de manœuvre de l’État,
Une dépendance excessive aux produits pétroliers pourrait freiner les efforts de transition énergétique.
✅ Conclusion : une fenêtre d’opportunité à saisir
La baisse du cours du baril en dessous du seuil budgétisé de 70 $ offre à la Tunisie une marge de manœuvre inespérée pour améliorer ses équilibres financiers et stimuler la croissance. Encore faut-il que cette opportunité soit intelligemment exploitée, en favorisant la réaffectation des économies vers les secteurs productifs, tout en consolidant les fondations d’une croissance durable et moins dépendante de l’énergie fossile.