Les états financiers consolidés d’Al Baraka Bank Tunisie pour l’exercice clos le 31 décembre 2024 révèlent une situation contrastée, marquée par des résultats en recul et des défis structurels croissants. Si la banque maintient sa position de leader dans la finance islamique en Tunisie, les pressions réglementaires, l’augmentation des créances douteuses et la baisse de rentabilité soulèvent des interrogations sur sa résilience future.
Une rentabilité en baisse malgré la croissance du PNB
Le résultat net consolidé attribuable au groupe s’établit à 47,968 millions de dinars (MDT), en repli par rapport à 2023 (55,359 MDT). Cette baisse s’explique principalement par :
L’augmentation des charges d’exploitation (+6,3%), liée aux coûts opérationnels et aux investissements technologiques.
La hausse des provisions pour risques (+1,947 MDT), reflétant un environnement économique plus risqué.
Cependant, le produit net bancaire (PNB) progresse légèrement, passant de 149,697 MDT en 2023 à 161,713 MDT en 2024, tiré par les revenus des produits islamiques (Murabaha, Ijara). Néanmoins, cette croissance est freinée par la hausse des coûts des dépôts (+23,5%), impactant les marges nettes.
Qualité des actifs : Un risque accru de créances douteuses
La banque affiche une exposition élevée aux créances clients, qui représentent 50% du total des actifs (1,555 milliard de dinars). Parmi elles, les créances classées « difficiles à recouvrer » ont augmenté, passant de 71,818 MDT en 2023 à 76,889 MDT en 2024.
Si les provisions pour dépréciation atteignent 65,632 MDT, leur niveau reste insuffisant pour couvrir pleinement les risques, notamment dans un contexte économique tunisien fragile marqué par un taux de défaut sectoriel en hausse.
Liquidités et conformité : Des défis réglementaires pressants
Baisse des réserves de liquidités : Les disponibilités et réserves auprès de la Banque Centrale ont chuté de 17% (53,468 MDT contre 64,539 MDT en 2023), ce qui pourrait limiter la capacité de la banque à absorber d’éventuels chocs.
Impact de la Loi 41-2024 : Cette nouvelle réglementation a contraint Al Baraka Bank à ajuster ses marges sur certains financements, générant un impact immédiat de 129 MDT et un risque résiduel estimé à 56 MDT pour les prochains exercices.
Gouvernance et transparence : Des efforts mais des lacunes persistantes
Les commissaires aux comptes (MM. Zghidi et Ben Mabrouk) ont certifié les comptes sans réserve, mais ont souligné des incertitudes liées à la loi 41-2024, ainsi que des risques liés aux transactions avec des parties liées (263,812 MDT avec le groupe Al Baraka et 77,200 MDT avec Baraka SICAR).
La stratégie d’investissement de la filiale Baraka SICAR (détenue à 99,99%) dans des start-ups et entreprises en difficulté présente un profil risqué, susceptible d’amplifier la volatilité des résultats futurs.
Conclusion : Une banque en transition face à des défis multiples
Al Baraka Bank Tunisie reste un acteur clé de la finance islamique, mais ses résultats 2024 mettent en lumière plusieurs points de vigilance :
Amélioration de la gestion des risques : Renforcer les provisions et optimiser le recouvrement des créances.
Diversification des revenus : Réduire la dépendance aux produits traditionnels en développant des solutions islamiques innovantes.
Anticipation des réformes : Préparer des scénarios pour les évolutions législatives, notamment sur les taux d’intérêt.
En définitive, ces états financiers reflètent une institution solide mais sous pression, dont la capacité à s’adapter aux mutations économiques et réglementaires déterminera sa performance future. La réponse managériale dans les prochains mois sera déterminante pour rassurer les investisseurs et maintenir sa trajectoire de croissance.