L’avenir de la BFPME : Entre défis structurels et impératifs de restructuration

 

 

La Banque de Financement des Petites et Moyennes Entreprises (BFPME) se trouve à un tournant décisif de son existence. Créée en 2005 pour soutenir le tissu économique tunisien, dominé à 85 % par les PME, la banque fait face à des difficultés financières et organisationnelles qui menacent sa pérennité. Alors que son rôle reste crucial pour l’économie nationale, son avenir dépendra des décisions prises en matière de restructuration, de recapitalisation et de réforme de sa gouvernance.

  1. Un contexte difficile : crise financière et défis structurels

La BFPME traverse une crise profonde, marquée par :

– Un déficit financier chronique : En 2020, le taux de créances douteuses atteignait 87 %, reflétant une gestion risquée des investissements et un manque de stratégie ciblée.

– Des fonds propres insuffisants : La dernière augmentation de capital remonte à 2009, et le non-renouvellement des lignes budgétaires publiques a limité sa capacité à refinancer les PME.

– Des ratios prudentiels inadaptés : La BFPME est soumise aux mêmes exigences que les banques commerciales, bien que son modèle (crédits à moyen terme à taux fixes) soit différent. Cela a entraîné un taux de rotation des crédits très lent (10 à 25 ans).

Le directeur général, Labid Zaafrane, a souligné l’urgence d’une restructuration, notamment pour résoudre les problèmes de liquidités et moderniser les mécanismes de financement.

  1. Les enjeux de l’Assemblée Générale Extraordinaire de septembre 2023

Le 14 septembre 2023, une Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) a été organisée pour statuer sur la non-dissolution de la banque et valider un plan de restructuration. Les décisions clés attendues portaient sur :

– La recapitalisation de la BFPME, essentielle pour rétablir sa solvabilité.

– L’adoption de nouvelles règles de gouvernance, incluant une dissociation claire des pouvoirs entre la direction et le conseil d’administration.

– La recherche de partenariats avec des institutions internationales (BEI, BIRD) pour diversifier les sources de financement.

Si l’AGE a évité la dissolution, les défis restent entiers, notamment la mise en œuvre effective des réformes.

  1. Les pistes pour un redressement durable
  2. Une restructuration globale

Le rapport de l’African Center for Economic Transformation (ACET) propose deux scénarios :

  1. Intégrer la BFPME dans un véhicule financier plus large pour augmenter son impact et sa résilience.
  2. Diversifier les produits financiers, notamment en introduire le private equity et des mécanismes de crowdfunding, évoqués par Zaafrane comme une solution pour renforcer les fonds propres des PME.
  3. Une refonte de la gouvernance

La BFPME souffre d’un manque d’autonomie et d’une gestion trop administrative. Les experts recommandent :

– Une décentralisation pour mieux cibler les besoins régionaux.

– Une politique RH attractive pour recruter des profils bancaires expérimentés.

  1. Renforcer l’accompagnement des PME

La BFPME a déjà mené des initiatives prometteuses, comme le partenariat avec l’OIT pour le programme SCORE, visant à améliorer la productivité et la gestion des PME. Poursuivre dans cette voie, avec un accent sur :

– La digitalisation des processus.

– Un ciblage sectoriel (industrie, agroalimentaire) pour réduire les risques.

  1. Conclusion : Quel avenir pour la BFPME ?

La BFPME reste un maillon essentiel du financement des PME en Tunisie, mais son avenir dépendra de :

  1. Une volonté politique claire pour recapitaliser et réformer la banque.
  2. Une adaptation de son modèle pour sortir du statut hybride (entre banque commerciale et de développement).
  3. Des partenariats internationaux pour sécuriser des financements durables.

Comme le résume Mondher Khanfir, « appliquer strictement les ratios actuels à la BFPME reviendrait à mettre fin à son activité”. Sa survie nécessite donc une refonte en profondeur, alignée sur les besoins réels des PME tunisiennes.

L’alternative ? Sans réforme, la dissolution pourrait resurgir comme une option, mais au prix d’un affaiblissement du secteur entrepreneurial tunisien, déjà fragilisé par les crises économiques récentes.

 

 

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