La Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence viennent de publier leur rapport annuel sur la performance des ports à container intitulé « Indice mondial de performance des ports à conteneurs (CPPI) 2022 ». Le rapport de 89 pages, compare les performances de 348 ports à conteneurs dans le monde selon leur efficacité, en mesurant le temps écoulé entre l’arrivée en rade d’un navire et son départ du poste d’amarrage, une fois l’échange de cargaisons effectué. Les lecteurs tunisiens de ce rapport, surtout les opérateurs économiques, ne doivent pas s’attendre à trouver le port de Radès à un bon classement. En effet, selon cet indice notre “vieux port” s’est classé à la 210ème place, celui de Tanger au Maroc, est 4ème mondial. Deux modèles, deux mondes.
La durée d’une escale est de 36 heures dans un port:
Selon le rapport, plus de 80 % du commerce mondial de marchandises (en volume) est transporté par voie maritime. Une proportion considérable et croissante de ce volume, représentant environ 35 % des volumes totaux et plus de 60% de la valeur commerciale, est transporté dans des conteneurs.
La conteneurisation des échanges commerciaux est très importante pour le développement des économies et l’amélioration des chaines logistiques. En effet, une infrastructure portuaire efficace et de haute qualité peut faciliter l’investissement dans les systèmes de production et de distribution, engendrer l’expansion de la fabrication et logistique, créer des opportunités d’emploi et augmenter les niveaux de revenus. Le rapport insiste dans son introduction sur le fait que les ports et les terminaux, en particulier pour les conteneurs, peuvent souvent être les principales sources d’expédition des retards, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, des coûts supplémentaires et une compétitivité réduite. Les Ports peu performants se caractérisent par une efficacité spatiale et opérationnelle limitée, un accès maritime et terrestre difficile, une surveillance réduite, et la coordination entre les organismes publics concernés très faible, ce qui réduit la prévisibilité et la fiabilité. Le résultat est qu’au lieu de faciliter les échanges, le port augmente le coût des importations et des exportations, réduit la compétitivité et freine la croissance économique.
En 2022, les données d’horodatage des performances des ports et d’autres informations pour les 348 ports composant l’indice principal ont été capturés pour 156 813 escales portant sur 243,9 millions mouvements de conteneurs.
La durée moyenne d’une escale en 2022 était de 36,8 heures, ce qui représente une légère augmentation par rapport à la moyenne mondiale de 36,3 heures en 2021. Environ 10,8 % (ou 3,96 heures) ont été consommés au quai immédiatement avant et après les opérations de fret. Le rapport fait état d’au moins 33787 exemples d’opérations de déchargement de container en 30 minutes ou moins et 29367 autres cas réels. Il y est enregistré aussi 12784 escales en 2022 où entre l’accostage et la fin des opérations se sont écoulés moins de 30 minutes. Il y a donc possibilité d’éliminer près de trois heures par escale de temps de port dans le monde simplement grâce à une meilleure planification, préparation, communication et rationalisation du processus. Ce temps économisé équivaut à plus d’heures en mer, ce qui entraîne des vitesses de navigation plus lentes, une réduction des émissions de gaz à effet de serre et des économies de coûts pour l’exploitant du navire, qui seraient importantes pour chaque escale.
Rades: amélioration du classement, les problèmes persistent:
Selon le classement CPII, c’est le port de « Yangshan » en Chine, un port en eau profonde dans la baie de Hangzhou, qui obtient la meilleure place suivi par celui de Salalah à Oman et le port de Khalifa à Abu Dhabi. Port Said en Egypte se classe à la 10ème place.
Sur les 10 ports les mieux classés, 9 ont maintenu ou amélioré leur position depuis l’ICPP 2021. L’exception est Hamad Port qui perd respectivement 5 et 3 places dans les classements administratif et statistique. Yokohama est passé de la 10e place à la 12e place au CPPI 2021 à la 15e place au CPPI 2022, et Djeddah est tombé de la 8e place au CPPI 2021 à la 29e place du CPPI 2022. Le port marocain de Tanger Med occupe la première place à l’échelle africaine et le 4è rang à l’échelle mondiale.
Notre cher port de Rades arrive quant à lui à la 210ème place mondiale, réalisant une nette avancée puisqu’il était à 237ème place en 2021. Le port par qui transite plus de 90% de nos échanges commerciaux est considéré comme un handicap majeur du développement de notre économie nationale.
Un autre indice qui corrabore avec ce classement, est celui de l’indice de connectivité des transports maritimes réguliers. Cet indice prend en considération le nombre de navires, la capacité de charge des conteneurs de ces navires et le nombre de services fournis. Le niveau de l’indice a nettement chuté passant de 10,06 en 2011 à 5,53 en 2022.
Selon un autre indice développé par la banque Mondiale, à savoir l’Indice de performance Logistique, la Tunisie s’est classée en 2018 à 105ème place sur 160 pays. En 2023 la Tunisie n’a pas figuré dans le classement. Cet indice prend en considération certains critères à savoir l’efficacité des processus de dédouanement, la qualité des infrastructures commerciales et des infrastructures de transports connexes, la facilité de l’organisation des expéditions, la qualité des services d’infrastructure….
Selon les derniers chiffres disponibles la moyenne de séjour d’un conteneur au port de Rades est de 18 jours (Banque Mondiale 2019). Quant au déchargement effectué exclusivement par la STAM, il est au rythme de 12 conteneurs par heure, alors qu’il était il y a quelques années au rythme de 3 contenuers par heure.
Le dossier du port de Rades n’a pas eu l’importance qu’il mérite à travers les différents gouvernements depuis 2011, malgré son importance. On a beau effectué les visites inopinées, limogé les responsables, tenir les conseils ministériels, mais il semble que les réformes bougent au rythme d’une fourmi. Selon un des ministres du transport, le port fait perdre à la Tunisie chaque année plus d’1 milliards de dinars.
Pour exemple, l’extension du port avec la construction de deux quais 8 et 9 en profondeur de 11 mètres et dont le financement est déjà mobilisé à raison de 350 MD, n’a pas été réalisé jusqu’à porésent. Ce projet date d’une vingtaine d’année.
Le système de gestion des conteneurs, TOS, financé par la Banque Mondiale, ne fonctionne pas jusqu’à aujourd’hui, alors qu’il aura un impact positif pour décongestionner le port.
Une vraie réforme, c’est pour quand?