Qu’est-ce que nous avons importé en 2022 ?

Le commerce extérieur a réalisé ses pires performances en 2022. Le déficit de la balance commerciale a enregistré un déficit record de -25216 MD contre 16210 MD en 2021.

Selon les chiffres de l’INS, les importations ont évolué avec un taux de +31,7% contre +22% durant l’année 2021. En valeur les importations ont atteint 82789,2 MD contre 62864,9 MD durant l’année 2021. Le taux de couverture s’est établi à 69.5% contre 74.1% en 2021.

Mais qu’est ce nous avons importé en 2022 ? Nos importations traduisent-elles la situation de notre économie nationale en difficulté ?

L’effet prix et l’effet change :

Les principaux produits importés par la Tunisie en 2022 sont l’image de nos besoins essentiels. En effet, les mesures prises par le ministère du commerce pour contrôler les importations, afin de freiner la dégringolade du taux de couverture et la montée du déficit, semblent ne pas apporter leurs fruits. Les importations tunisiennes se sont concentrées autour des besoins alimentaires et hydrocarbures, dont les cours ont enregistré une montée vertigineuse en 2022 à cause de la conjoncture internationale.

L’augmentation des importations (+31,7%) provient de la hausse enregistrée au niveau des importations des produits énergétiques (+83,1), des matières premières et demi-produits (+33%), des biens d’équipement (+12%), ainsi que des biens de consommation (+13,8%).

L’effet prix est largement décelable à travers la lecture des chiffres du commerce extérieur. En effet, pour certains produits importés les quantités ont diminué mais la valeur totale a augmenté. Il faut aussi ajouter que la hausse des prix des produits importés, surtout les intrants dans la production ont contribué largement à augmenter le niveau de l’inflation qui a dépassé les 10% au mois de Décembre 2022.

L’effet « change » est aussi une explication valable de la hausse de nos importations puisque le dinar tunisien a perdu énormément de sa valeur au cours de 2022 face aux principales monnaies d’échange et surtout le dollar face auquel le dinar tunisien a cédé pour plus de 15% depuis le début de l’année. Cette dépréciation contribue selon les analyses du FMI à raison de 14 à 20% dans l’inflation enregistrée.

Cette hausse des importations à un rythme plus soutenue que celui de l’exportation n’a fait qu’empirer la situation du dinar tunisien sur le marché des devises. Nos exportations n’ont augmenté que de 24% en 2022, et sont malheureusement à faible valeur ajoutée et destinés vers des marchés à faible potentiel de croissance. Même l’excédent enregistré au niveau de l’exportation des services n’arrive pas à équilibrer nos échanges avec l’extérieur.

Une analyse globale du solde commercial confirme que notre déficit est tributaire principalement de nos échanges d’énergie, des industries mécaniques et électriques et du textile et qui enregistrent malencontreusement depuis des années des baisses considérables. Il dépend aussi du volume de nos exportations de mines et phosphates, et qui est un secteur toujours excédentaire.

Des céréales et des hydrocarbures :

En 2022, on a importé pour une valeur de 3847 MD de céréales. La guerre russo-ukrainienne a créé une hausse des prix blé dur qui ont augmenté de 76.8%, alors que le blé tendre a enregistré une hausse des prix de l’ordre de 53.6%. Les raisons qui ont causé la hausse des cours des céréales ont causé la hausse des oléagineux et des huiles. C’est ainsi que nos importations de ces produits ont enregistré de nouveaux records. Nous avons importé pour une valeur de 1100 MD d’oléagineux et graines et pour une valeur de 1450 MD pour huiles et graisses. Quant au sucre dont nous importons chaque année plus de 370.000 tonnes et qui enregistre pourtant des perturbations importantes dans son approvisionnement, ont totalisé une valeur d’importation pour 575 MD à côté des sucreries.

Au niveau des hydrocarbures, la Tunisie a enregistré un nouveau record, avec des importations pour 15825 MD. En effet, la moyenne du cours du brut en 2022 a dépassé les 95 dollars.

Le marché local des médicaments a enregistré en 2022 des perturbations importantes avec des pénuries en répétition. Ces perturbations ont continué au début de cette année avec plus de 450 médicaments qui manquent à l’appel dans nos pharmacies. Et pourtant on a importé pour 1763 MD de produits pharmaceutiques.

Malgré une baisse des ventes sur le marché local, suite à une hausse des prix, le marché de l’automobile a continué ses importations d’une manière normale. En effet, la Tunisie a importé pour 4300 MD de cycles et automobiles. Selon les chiffres de l’ATTT, la Tunisie a enregistré 55455 nouvelles immatriculations. Les véhicules particuliers qui ont été le plus touchés, avec une baisse de 15.5% par rapport à l’année 2021. Les immatriculations des voitures populaires ont régressé de près de 23% en 2022, contre une hausse de 26% en 2021.

Pour les besoins du marché local, les opérateurs tunisiens ont importé pour une valeur de 5232 MD de matières plastiques. Une grande partie de ces matières sont importés de la Chine et de la Turquie.

Les importations de textiles et accessoires ont continué leur effervescence en 2022, avec une valeur de 1300 MD, alors que les importations de cotons, de fibres textiles, et de fibres synthétiques ont totalisé plus de 4200 MD. Une grande partie de ces importations est destinée pour l’industrie textile et habillement et qui sont ensuite exportés en produits finis. En effet, les exportations de textiles et habillement ont enregistré une hausse de 21%.

Certaines importations traduisent parfois une certaine dynamique économique surtout ceux relatifs à l’appareil productif. En effet, la Tunisie a importé en 2022 pour une valeur de 9533 MD de machines et appareils, et pour 3361 MD de fonte et acier.

Les opérateurs tunisiens ont continué aussi à importer certains produits qu’on juge superflus et dont on a instauré un système de contrôle à l’importation. C’est ainsi qu’on a importé en 2022 :

  • Pour une valeur de 10 MD de plantes vivantes nécessaires pour le secteur agricole,

  • Pour une valeur de 71 MD de boissons et alcool,

  • Pour une valeur de 357 MD de tabacs,

  • Pour une valeur de 34 MD de produits pour photos,

  • Pour une valeur de 116 MD de livres,

  • Pour une valeur de 120 MD de soie,

  • Pour une valeur de 12 MD de produits de coiffure,

  • Pour une valeur de 2 MD de parapluies et parasols,

  • Pour une valeur de 54 MD pour le secteur de l’horlogerie,

  • Pour une valeur de 21 MD d’instruments de musique.

Mesures inefficaces :

La lecture des chiffres de nos importations ainsi que les principaux produits importés confirme que les mesures prises par le ministère du commerce au mois d’Octobre 2022 pour contrôler les importations de certains produits sont inefficaces. Outre le fait que ces mesures ont soulevé la colère diplomatique de nos partenaires européens, elles ont causé la faillite de plusieurs unités tunisiennes.

Pour mémoire le ministère du commerce et celui de l’industrie ont décidé d’adopter un système de contrôle préalable des importations pour garantir la qualité des produits importés mais aussi la sécurité des consommateurs, tout en imposant l’importation des produits en question d’une manière directe auprès des usines productrices au pays exportateur. Les demandes de domiciliation de titre de Commerce Extérieur pour l’importation des produits concernés par le communiqué nécessitent la présentation d’une facture visée par les services compétents des structures publiques, chacun selon son champ de compétence. Pour obtenir l’autorisation d’importation, l’importateur doit présenter un dossier d’importation avec des documents tel qu’une facture remise par l’usine exportatrice, une attestation remise par une partie officielle du pays exportateur relative au statut légal de l’usine et à son autorisation d’exercice, la présentation d’un justificatif prouvant que l’industriel adopte un système de contrôle de qualité ; un modèle de l’agrément des produits à importer….Une série de documents afin de dissuader les importateurs d’importer, sous couvert de « la préservation de la santé du consommateur ».

Il est nécessaire aujourd’hui de réviser ces mesures après avoir évalué leur impact qui semble être négatif à la lumière des chiffres des importations. Ces mesures ont causé du tort à l’image de la Tunisie et au milieu des affaires. Peut être que le limogeage de la ministre du commerce accélérera les réformes dans ce ministère.

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